La France contre le monarque. de l’an mil à nos jours

Alphée Roche-Noël, La France contre le monarque, De l’An Mil à nos jours. Ed. Passés/Composés, 2022

Alphée Roche-Noël, La France contre le monarque, De l’An Mil à nos jours. Ed. Passés/Composés, 2022

 

L’Un et le Commun

Paris, les provinces, les rois, les présidents, les sans-grades, mais qui a fait la France ? Et si contrairement au « beau roman national », cousu de fil blanc, d’erreurs, d’affirmations dénoncées quelques années plus tard, notre pays s’était construit contre ses monarques ? Telle est la thèse défendue avec brio par Alphée Roche-Noël. Le grand débat entre l’Un et le Commun. Du fond du Moyen-Âge à nos jours, le choc entre les seigneurs et les villes sera suivi par la révolte de Paris en 1357 avec Etienne Marcel, l’évolution des États généraux, celle des parlements, la Fronde, la Grande Révolution de 1789 et celles du XIXe siècle dont évidemment la Commune de Paris, jusqu’à nos jours.

 

Place au Peuple !

C’est un autre roman national que nous propose l’auteur dans son essai La France contre le monarque, De l’An Mil à nos jours, un roman dont les acteurs s’appellent le peuple de Paris, les protestants des Cévennes, les conventionnels, les femmes de la Halle, les canuts, les paysans du Sud-Ouest, les communards, les ouvriers et paysans. Ils sont là dans ces pages et se révèlent dans leurs luttes parfois contradictoires, mais toujours contre le pouvoir d’un Seul. Oui, une histoire des luttes et une histoire de France vécue et façonnée par ceux qui sont trop souvent oubliés, méprisés par le pouvoir d’un Seul et de ses affidés. J’ai beaucoup apprécié le ton simple comme une conversation, un échange entre nous. Un vrai conteur qui sait nous rappeler les temps de notre histoire. Chacun sait que la suite des événements produit l’histoire, encore faut-il s’en souvenir en ces temps où il est, malheureusement, de bon ton de vivre l’instant sans tirer les leçons de cette histoire qui ne se répète pas mais bégaie parfois.

 

La machine explose !

Souvent les révoltes et les révolutions trouvent leurs sources dans la misère, l’injustice fiscale et l’incapacité du pouvoir central à décider sauf à se mettre du côté de la réaction, des conservateurs. Il arrive que la machine explose.

L’auteur gagne en profondeur en se référant au Discours de la servitude volontaire de La Boétie, le livre devait s’appeler Contr’Un. Et le message de Jules Michelet :

« Heureusement le temps avance. Nous sommes un peu moins imbéciles. » Il est temps de construire une histoire créative et porteuse d’un futur possible…

FRANCIS PIAN

 

 

jacques-auguste trésor

Guy Pernet, Jacques-Auguste Trésor. Editions Helvétius

Guy Pernet, Jacques-Auguste Trésor. Editions Helvétius

 

Originellement titré À l'aube d'une défaite, le roman de Guy Pernet Jacques-Auguste Trésor est une histoire, une longue histoire, de rendez-vous manqués. L'intrigue est simple qui raconte la vie de Jacques-Auguste, ses joies et ses peines, ses amours et ses deuils, sur près de cinquante années tumultueuses autour de la bascule du 20e siècle.

Autant dire que ce siècle finissant, jusques et y compris la Première Guerre mondiale — c'est le choix des historien.ne.s — ne manque ni de rêves de grandeur ni d'échecs assumés de toutes les utopies.

En parallèle avec la vie sentimentale et affective de Jacques-Auguste, faite de rencontres et de disparitions, de trahisons et de pertes, une somme de contrariétés, la grande Histoire avance masquée et terriblement cruelle.

Au commencement est la Commune que le héros traverse de manière décalée du fait de sa trajectoire personnelle et qu'il rejoint enfin alors que les ténèbres l'engloutissent. C'est le premier rendez-vous manqué qui sert de scène primitive non seulement à la vie de Jacques-Auguste mais aussi au développement et à l'évolution institutionnels du mouvement ouvrier.

La suite de sa vie sera chaotique, complexe, dans ses relations amoureuses et amicales, avec de beaux portraits de femmes combattantes, tout autant qu'elle épousera les tragédies de l'Histoire et les inévitables conflits des organisations ouvrières et révolutionnaires après la constitution de l'Association internationale des travailleurs (1864). Des pages remarquables ainsi que des portraits saisissants ponctuent cette longue période des origines. Outre Jules Vallès, Charles Longuet, la famille Lafargue et bien d'autres, nous retenons principalement, lors de l'exil à Londres, la douce figure patriarcale du vieux Karl Marx dans son intimité et son incessant combat pour l'émancipation humaine.

Le style de Guy Pernet est sobre, élégant, et tout empreint de tendresse pour ses personnages. D'ailleurs l'auteur intervient dans le récit, à son début et à sa fin, et cette intimité créée avec le lecteur rajoute au plaisir de la lecture.

Avec un final tendu et mélancolique que nous ne dévoilerons pas, l'auteur nous en voudrait, ce roman historique est aussi un beau récit d'apprentissage, et une intense réflexion sur le temps qui passe.

Pour conclure, parole sera donnée au poète dont les vers serviront d'épitaphe sur la tombe de Jacques-Auguste. Nous les reprenons à notre compte car ils expriment bien le pouvoir du livre :

« Passent les jours et passent les semaines, Ni temps passé, Ni les amours reviennent, Sous le Pont Mirabeau coule la Seine ».

JEAN-ÉRIC DOUCE

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