BD : SÉRAPHINE
Édith et Marie Desplechin, Séraphine. Éd. Rue de Sèvres, 2022
Édith, dessinatrice connue pour ses talents de coloriste, offre au roman de Marie Desplechin Séraphine, (paru en 2005 et plusieurs fois réédité) une adaptation fidèle au texte et aux couleurs subtiles.
Montmartre 1885, encore rural, le maquis où vit une population pauvre, endeuillée, aux rêves brisés par l'écrasement de la Commune, sujet tabou que l'on évite d'aborder pour continuer de vivre.
Une adolescente de 13 ans, orpheline, sauvée d'une mort certaine à l'hospice par un curé, recueillie par une tante prostituée, et élevée par une vieille couturière râleuse et communarde qui lui apprend le métier. Séraphine qui, fait exceptionnel, a appris à lire, est éprise de liberté et sensible à la misère qui l'entoure. Elle est curieuse de comprendre le silence que provoque toute allusion à ses origines ou à la Commune.
Les langues se délieront, l'espoir, les rires et les chants réapparaîtront au retour des déportés et d'une certaine Louise.
À travers le regard de cette adolescente, Marie Desplechin nous fait découvrir la condition féminine de cette fin de 19e siècle et la détresse post-communarde, sans jamais tomber dans le misérabilisme.
Dans la BD, dès qu'il est fait allusion à la Commune, Édith glisse malicieusement dans ses images un merle moqueur qu'on s'amuse à repérer.
Le roman, touchant, plein d'humanité et de solidarité était une réussite. La B.D. l'est tout autant.
À partir de 10 ans
CLAUDE CHAUVEAU
PORTRAITS DE COMMUNARDES
Isabelle Abiven, Portraits de communardes. Éditions Dittmar, 2022
Dans cet ouvrage on découvre 100 portraits de communardes, des pastels pleine page, réalisés d’après des photos par Isabelle Abiven, graphiste et illustratrice qui y présente succinctement son travail. À chaque portrait est adossé une très brève présentation du personnage.
En introduction, figurent un texte d’André Léo écrit pour La Sociale, une page et des notes biographiques de Lila Autel ainsi qu’un court texte de Gérald Dittmar restituant la place et l’action des femmes pendant la Commune de Paris.
Le principal intérêt de ce livre est de donner un visage à toutes ces femmes, pour la plupart inconnues ou oubliées.
SOLANGE FASOLI
UNE MILITANTE EXEMPLAIRE
Une militante exemplaire, Nathalie Le Mel, 1826-1921, Amies et Amis de la Commune de Paris, 2023
Une nouvelle brochure vient de paraître qui retrace la vie de cette communarde bretonne qui reste trop méconnue, malgré le livre qu’Eugène Kerbaul lui a consacré, et qui est maintenant épuisé.
Nathalie Le Mel arrive à Paris en 1861. Elle est relieuse et membre de l’Association internationale des travailleurs. Elle crée un syndicat de relieurs avec Eugène Varlin, puis un restaurant communautaire, La Marmite.
Militante infatigable, elle fonde, avec Élisabeth Dmitrieff, l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés, qui a joué un très grand rôle sous la Commune. Elle est très active pendant la Commune et entraîne des femmes de Paris à la barricade de la place Blanche. Elle est arrêtée et condamnée à la déportation en enceinte fortifiée. À son retour, elle reprend le combat jusqu’à sa mort, à 95 ans.
Cette brochure a été écrite à partir d’une conférence faite par Claudine Rey à l’institut CGT d’histoire sociale du Livre parisien. Yannick Lageat a permis d’enrichir ce texte grâce à de nouvelles découvertes sur la vie de Nathalie Le Mel.
Militante syndicaliste, féministe, révolutionnaire, Nathalie nous montre le rôle fondamental des femmes lors de la Commune.
MARIE-CLAUDE WILLARD
BD : CATHERINE B - UNE BERRICHONNE AU BAGNE DE LA NOUVELLE
Bernard Capo, Catherine B. une Berrichonne au bagne de la Nouvelle, Éditions Bulleberry, 2023
Enfin ! Depuis que Bernard Capo met en valeur l’histoire de notre région et ses personnages, il a abordé la période de la Commune de Paris 1871 et la déportation de celles et ceux qui sont « monté.es à l’assaut du ciel ». Je me suis permis de le soumettre à un harcèlement sympathique sur le sujet.
Fait remarquable, c’est une femme qu’il nous fait revivre. Une femme méconnue, quasiment inconnue qui va rencontrer la communeuse la plus célèbre : Louise Michel. Bernard Capo reproduit même un de ses dessins.
Lectrice, lecteur, vous avez, dans cet album, le travail d’un historien qui a découvert Catherine B, jeune paysanne de Cuffy, le village le plus à l’est de l’ancien Berry. Vous avez aussi l’oeuvre artistique, le 9e art, d’un dessinateur sensible et talentueux. Nous sommes dans l’univers capolien (comme Victor Hugo a su être hugolien). Il tonifie nos 5 sens. Eh oui, nous sentons forcément l’odeur des embruns contre La Virginie. B. Capo sait, ô combien, rebâtir le terroir, agiter la mer, camper l’architecture, faire respirer les pierres et les humains.
Quel voyage ! Des coins du Berry aux coins de Paris, nous parvenons en Nouvelle-Calédonie.
Notre Catherine B, car elle est devenue nôtre, côtoie les « historiques ». B. Capo les présente : Courbet, Braquehais, Giffaut qui touchent à l’art, Rochefort, Napoléon Gaillard, Hugo, Louise Michel, Auguste Okolowicz, et bien d’autres. Notre dessinateur donne visage à Gervais Bourdinat et à Emmanuel Delorme.
L’historien devient romancier en imaginant les rencontres. Et pourquoi pas ? Il reste tant de vérités dans cette bande dessinée. L’art de la BD permet l’art du cadrage, la liberté de commentaire avec la constellation des niveaux de langage que B. Capo glisse page à page.
Autre fait remarquable : les kanak ne sont pas oubliés, eux qui ont failli être victimes d’un génocide à la française. Merci B. Capo de les avoir fait revenir en puissance et d’avoir redonné honneur à Ataï, chef d’une juste révolte.
Plaisir et réflexion, coeur et raison. Ça, c’est du Capo.
MICHEL PINGLAUT (préface de l’album)