BIOGRAPHIE DE LOUISE MICHEL

Louise Michel, Marie-Hélène Baylac, Éditions Perrin, 2024.

Louise Michel, Marie-Hélène Baylac, Éditions Perrin, 2024.

La biographie de Louise Michel par Marie-Hélène Baylac fera date. C’est une des meilleures qu’il nous ait été donné de lire. L’autrice est une historienne, grande connaisseuse du XIXe siècle et surtout très expérimentée dans la transmission des savoirs à un large public.

Louise Michel (1830-1905) – Photo d’Ernest Appert prise à la prison des Chantiers à Versailles (source : © Musée Carnavalet – Histoire de Paris)

Louise Michel (1830-1905) – Photo d’Ernest Appert prise à la prison des Chantiers à Versailles (source : © Musée Carnavalet – Histoire de Paris)

Dans cette biographie non romancée, Marie-Hélène Baylac a su trier et articuler les abondantes sources de connaissances — Mémoires, correspondances, archives, articles de presse, témoignages de contemporains dont certains inédits(*) – sans que jamais le récit ne soit ennuyeux. Nous suivons Louise Michel, comme à travers l’œil d’une caméra, depuis son enfance en Haute-Marne où elle naquit en 1830 jusqu’à sa dernière tournée de conférences en Algérie, avant sa mort en 1905 à Marseille. Le point de vue est non militant, le traitement des grandes périodes de sa vie — jeunesse, enseignement, Commune, déportation, anarchisme — est équilibré, ce qui n’est pas courant et ajoute à la qualité historique. Signe d’une grande maîtrise, la présence de la biographe est discrète, guidant notre lecture par de courtes analyses et mises en perspective qui donnent toute sa cohérence à l’inépuisable activité de la Grande citoyenne.

Les citations, systématiquement référencées, sont judicieusement incluses dans le récit et ne perturbent ni ne hachent la lecture. Quelques poèmes ou pensées de Louise Michel, disséminés dans l’ouvrage, mettent en évidence la cohérence de sa vie et de son œuvre.

La forme de narration choisie par Marie-Hélène Baylac et la qualité de son style donnent l’impression d’un récit épique qui sied parfaitement à la vie et à la personnalité hors normes de notre héroïne. En refermant cette biographie, le lecteur comprendra les raisons de la grande popularité qu’elle connut de son vivant, et sa postérité qui perdure jusqu’à nos jours.

PHILIPPE MANGION

(*) Dont le cahier Laujorrois, témoignage d’un contemporain de sa jeunesse en Haute-Marne, conservé par l’Association Louise Michel de Vroncourt qui, sous l’impulsion de sa présidente Claudine Bourcelot, fait vivre la mémoire de l’héroïne dans son village natal.

 

 

TOUT SUR ÉMILE DERRÉ

Thierry Guilabert, Tu ne tueras plus ! Émile Derré, anarchiste, pacifiste, sculpteur, Éditions Libertaires, 2021.

Thierry Guilabert, Tu ne tueras plus ! Émile Derré, anarchiste, pacifiste, sculpteur, Éditions Libertaires, 2021.

On connait le sculpteur Émile Derré pour sa célèbre Colonne des baisers avec son chapiteau représentant Louise Michel embrassant Élisée Reclus sur une face et Auguste Blanqui sur une autre. Présentée au Salon de 1899 en plâtre, l’État lui passe commande, pour le jardin du Luxembourg de sa réalisation en pierre.

Mitterrand fit reléguer la colonne en 1982 dans les jardins de la manufacture des Gobelins. Elle se trouve actuellement sur la place au centre de Roubaix, entre la mairie et la cathédrale.

Le livre de Thierry Guilabert consacré à Émile Derré nous en apprend plus sur ce sculpteur qui avait quatre ans au moment de la Commune de Paris et a grandi au contact d’anciens communards. Il a sculpté, entre autres, un buste expressif d’Élisée Reclus, décédé un an auparavant, et qui sera présenté en 1906 au Salon. On y découvre des lettres du sculpteur remerciant Nadar des profils grandeur nature qu’il a bien voulu lui prêter en vue de la réalisation du buste. Il assure la diffusion de son oeuvre en faisant imprimer des cartes postales. En retour, Nadar fait le portrait de l’artiste qui apparaît, tendu et sérieux, regardant l’objectif les mains croisées.

Buste d’Élisée Reclus. Sculpture d’Émile Derré, 1906

Buste d’Élisée Reclus. Sculpture d’Émile Derré, 1906

Sa dernière sculpture intitulée Réconciliation, tu ne tueras plus ! paraît le 3 mai 1924 en première page de L’Humanité sous le titre l’ouverture du Salon, l’art au service de l’Impérialisme : le refus du groupe « Réconciliation » du sculpteur Émile Derré. L’œuvre, ouvertement pacifiste, représente le baiser de paix entre deux soldats nus, l’un français, l’autre allemand en une sorte de pieta laïque. Émile Derré a eu une carrière chaotique et son groupe ne sera sur aucune place d’aucune commune de France et de Navarre. Il reste à voir le monument à Louise Michel institutrice, dans le jardin de l’hôtel de ville de Levallois et, square Louise Michel à Montmartre, une « fontaine gauloise » où une jeune mère entourée de fleurs des champs, soutient un bébé qui pisse dans une vasque de pierre. Ce qui ne pose aucun problème politique.

EUGÉNIE DUBREUIL

 

 

« DANS LA TENDRESSE DU PRINTEMPS…»

Thomas Dunoyer de Segonzac, Vers Vermersch, Éd. Rotolux Press, 2024.

Thomas Dunoyer de Segonzac, Vers Vermersch, Éd. Rotolux Press, 2024.

Un format original, à l’italienne pour ce petit livre, Vers Vermersch, publié par Thomas Dunoyer de Segonzac chez Rotolux Press. Le titre aussi nous interpelle. Eugène Vermersch était une personnalité active de la Commune, un journaliste à la plume alerte dans Le Cri du peuple de Vallès et surtout Le Père Duchêne où il aspire à retrouver le ton du journal éponyme de la Révolution française. Il est oublié.

L’originalité ne se réduit pas au format mais aussi à la nécessité de couper les pages pour les lire, ce geste qui ajoute à la découverte du texte. Un portrait d’Eugène Vermersch au fil des pages, une photo découpée, du front au cou. Apprécions l’originalité dans la typographie, un travail d’artiste.

« Paris flambe à travers la nuit farouche et noire… »

Eugène Vermersch n’était pas qu’un polémiste talentueux mais aussi un poète qui publia Les Incendiaires (1871). Thomas Dunoyer de Segonzac nous en propose l’intégrale. La force des mots, l’énergie des témoins, vous retrouvez l’intensité des propos de Jules Vallès, de Louise Michel, d’Arthur Rimbaud.

C’est la révolution, un nouveau monde est en marche, c’est le début de la Commune de Paris car il ne faut jamais oublier qu’elle portait l’espoir d’un peuple et ne doit pas se limiter, dans notre esprit, à la sinistre Semaine sanglante. Elle était belle et douce, cette Commune en mars et Eugène Vermersch la traduit par une poésie de la nature, un hymne. Plutôt que de nous livrer une biographie classique, l’auteur interpelle Eugène Vermersch, le fait parler, ressent à sa place, il le cherche. Il joue avec les mots et les sons.

Un monde d’harmonie

Goûtons dans le poème, cette alternance de guerre et d’aspiration à la paix, un monde d’harmonie.

Mais la Semaine sanglante massacre les espoirs, un temps fort. Vous lirez la nuit, les arrestations, les tueries dans la rue, la fatigue sur les dernières barricades. « Les Fédérés, la Commune, c’est l’armée des épuisés. » On pense aussi à la Révolution française, pas si loin dans les esprits. Certaines rues et maisons constituent les archives des épisodes révolutionnaires comme la rue de Charenton. Et ce cri des derniers jours face à l’indifférence :

« Un coup de main, citoyens, c’est pour votre liberté que nous allons mourir. »

Et le titre : Vers Vermersch. Un cheminement pour redécouvrir ce communard ou les vers de ce poète ? À vous de lire l’ouvrage.

FRANCIS PIAN

 

 

CD 16 TITRES : IL FAUT VENGER GERVAISE

Il faut venger Gervaise, cd produit par La rue de la Commune.

Il faut venger Gervaise, cd produit par La rue de la Commune.

Ce CD est sorti le 29 mai 2021, jour de la montée au Mur. C’est un conte musical, philosophique et... historique. Il est sous-titré 1871, si la Commune de Paris m’était chantée :  « Et j’ai marché en camarade pour toujours. »

La genèse de ce conte est chaleureuse. Anouk Colombani, l’auteure, a connu un moment sensible de sa vie : la perte de son papa et la naissance de son fils. Elle veut transmettre l’accent parigot et les expressions paternelles à son fils. Rose Colombani (1920-2016) est dédicataire du livret. C’est la grand-mère. Ses expressions sont là aussi. Elle avait 16 ans pour la montée au Mur en 1936. Le père était réfugié espagnol et elle est restée toute sa vie aux Amis de la Commune. Tous ces personnes de chair et de sang valaient bien d’être mis en conte musical.

Elles ont inspiré des personnages fictionnels, au 23, rue du Faubourg Saint-Denis, dans le 10e arrondissement, les Mercier. Rosemonde est la grand-mère blanchisseuse, c’est elle qui raconte à sa petite fille Léontine. Léontine (interprétée par Jamila Aznague) débute et termine l’épopée le 9 novembre 1880, pour le retour de Louise Michel. Jacques chante la Garde nationale et la guerre. Gervaise est l’héroïne, cantinière, élue reine des blanchisseuses. Colette, tombée dans la prostitution, garde sa fierté, ses mains pures et veut sa place pour l’espoir. Marie a rencontré Victor Ferruci. Ils veulent un monde meilleur. Sidonie et Hortense jouent les cantatrices politiques ; Gervaise meurt le 21 mai. Il faut la venger !

Pour la musique, Anouk Colombani a rencontré la chanteuse talentueuse Mymytchell. Elles rassemblent un beau collectif de création. Theus Erri se joint à l’aventure. Deux chorales de Toulouse et de Montreuil s’unissent pour la chanson des lavandières. Nous découvrons Dominique Grange en duo avec Mymytchell. Le piano bâtit l’ambiance. Zeta slame Paris. Citons la brillance des interprètes : Léa Noilhan, Monique Turini, Marina Touillez, Clément Veyssières, Gaëlle Amour, Lise Batailler, Naïl el am et Clémence Fourton.

Illustrations dans un style populaire d’Hélène Maurel pour la pochette et le livret, mis en graphisme par Delphine Dumas.

De la belle ouvrage.

MICHEL PINGLAUT

 

 

LA PRESSE DANS LE DICTIONNAIRE DE BERNARD NOËL

Dictionnaire de la Commune, Bernard Noël, L’Amourier éditions, 2021.

Dictionnaire de la Commune, Bernard Noël, L’Amourier éditions, 2021.

 

Le Dictionnaire de la Commune de Bernard Noël est apprécié pour la part belle faite aux journaux de la Commune. Certains existaient déjà avant, d’autres ont été supprimés et ont donc changé de nom, d’autres encore n’ont eu qu’un numéro.

Dans les ouvertures thématiques, Bernard Noël en a choisi pour parler des journaux :

« communeux », car il nous indique que ce terme vient du Mot d’ordre du 3 avril 1871

« feuilles à 2 sous » qui renvoient à « publications de la rue », répertoriées en son temps aussi par Jean Dautry.

« information », « journaux ». Il donne dans ce chapitre la liste des journaux (72) créés durant la Commune (sauf ceux antérieurs au 18 mars qui font cependant l’objet d’un article : Le Figaro, la Liberté, le Monde, le National, le Revue des Deux-Mondes…).

Dans « littérature », l’auteur précise que ce sont les journaux qui pensent et vivent au jour le jour la Commune.

« Photographie » rappelle les illustrations d’articles.

Dans la préface, il mentionne qu’avec Maud Sissung, il a lu ces journaux et qu’ils font tous l’objet d’un article. Nous pouvons lire 117 notations. Nous savons s’il s’agit d’un hebdo, d’un quotidien ou d’une parution du dimanche, son format, sa pagination avec le nombre de colonnes par page, son prix (entre 5 et 10 c, avec augmentation pour la distribution en Province). Bernard Noël donne souvent le nom des rédacteurs. Il nous renseigne sur l’idéologie de la parution, des sujets traités. La constellation est vaste et variée : nouvelles de la guerre civile, de l’étranger, des spectacles, des décrets, des choix politiques, moraux, des évolutions idéologiques, des arrêts de publication.

Selon le titre, nous savons si le journal est pro-Thiers, pro-Assemblée nationale, pro-Commune, pro-minorité contre le Comité de salut public, voire pro-royaliste. Bernard Noël, poète, a choisi de nombreuses citations qui constituent une anthologie des idéaux communeux, du sens de la formule ou d’exemples abominables du vocabulaire excessif, injurieux des pro-versaillais. Bien sûr, La Commune, Le Cri du Peuple, Le Journal Officiel de la Commune, le Mot d’ordre, le Père Duchêne, la Sociale et le Vengeur tiennent une place importante.

MICHEL PINGLAUT

 

 

TROIS TEXTES D’ÉLISÉE RECLUS

L’Anarchie, Élisée Reclus, Éditions des 1001 nuits, 2022. L’homme et la nature, suivi de À mon frère paysan, Élisée Reclus, Éditions La Part Commune, 2021.

L’Anarchie, Élisée Reclus, Éditions des 1001 nuits, 2022.     L’homme et la nature, suivi de À mon frère paysan, Élisée Reclus, Éditions La Part Commune, 2021.

Il s’agit de deux brochures, format 10 x 15, rééditées il y a peu.

L’ Anarchie

Avec une préface de François Begaudeau, des notes et une postface de Jérôme Solal, ce texte est post-Commune, puisqu’il date de 1896. Il présente quelques pages sur la vie du géographe. Remar-quons une note de l’éditeur (Éditions Mille et Une Nuits) qui explique la politique de leur concept éditorial : plus de 600 titres, accessibles à tous par le prix (3 €) et ce format de poche. Vous trouverez la liste des libraires, sur toute la France, qui participent à l’opération de diffusion.

L’homme et la nature

À mon frère le paysan

Un autre ouvrage présente ces deux textes d’Élisée Reclus. Le premier texte est paru dans la Revue des deux mondes en novembre 1864. À mon frère le paysan date de 1899. La politique éditoriale est identique : petit format populaire, bas prix (6,50 €), volonté de vulgarisation, avec un condensé en quelques pages de la vie d’Élisée Reclus.

JEAN-PIERRE GILBERT, MICHEL PINGLAUT

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