ALBERT ROBIDA : PARIS PENDANT LA COMMUNE DE 1871, JOURNAL ET DESSINS
Albert Robida, Paris pendant la Commune de 1871, Editions Dittmar, 2024.
Ce petit livre édité et préfacé par Gérald Dittmar est un coup de cœur. Albert Robida (1848-1926), républicain et pacifiste, artiste et visionnaire, sans engagement politique défini, était dessinateur professionnel. 45 de ses croquis et dessins de Paris pendant la Commune sont reproduits dans ce recueil. Cette imagerie de la Commune est un témoignage profond et réaliste de ce que furent ces journées terribles, magnifiques et tragiques, qu'il s'agisse du Paris des barricades, celui de la révolte, du Paris de la proclamation de la République, des combats et de la répression. Cette chronique imagée, très riche, ponctue donc élégamment l'historique de la Commune, soit ses prémisses, son développement et sa défaite.
Et cela avec un beau trait de plume ! Les caricatures et dessins d'Albert Robida sont littéralement la photographie d'une époque et le descriptif d'une révolution, aussi impréparée fût-elle.
Parallèlement est publié le journal de Robida durant ces événements, du 4 septembre 1870 au 29 mai 1871 exactement. Autant dire que cette éphéméride puissante est particulièrement intéressante et précieuse au regard de l'Histoire collective et des engagements individuels. Avec une écriture sobre, quasi documentaire dans un premier temps, puis plus passionnée dans un second temps au fur et à mesure que les différents camps se radicalisent et que les espérances sont plus fortes, Robida livre une version épurée et sensible du mouvement révolutionnaire et des affrontements. Notons d'ailleurs que face aux exactions et aux charniers de la capitale, une conscience politique affleure parfois chez lui qui transcende la neutralité du journaliste occasionnel. Et c’est bien cette leçon que nous pouvons aussi tirer des observations très fouillées de Robida.
Accompagnant ce journal de bord et ces croquis, quelques textes indispensables et légendaires exhaussent le travail de Robida. Ils sont signés notamment par Arthur Arnould (Histoire populaire et parlementaire de la Commune), Charles Longuet, Prosper-Olivier Lissagaray ou encore Jules Vallès. Hommage à ces révolutionnaires.
Enfin Victor Hugo avec L'Année terrible (juin 1871) et ses mourants formidables conclut ce précieux livre qui nous engage à devoir guérir cette facilité sinistre de mourir.
JEAN-ÉRIC DOUCE
ENFANTS EMPRISONNÉS : UN ASPECT MÉCONNU DE LA COMMUNE DE PARIS 1871
Annie Gayat, Sylvie Pepino et Claudine Rey, Petit dictionnaire des enfants emprisonnés, édité par les Amies et Amis de la Commune de Paris, 2024.
Ils avaient de 7 à 18 ans. Est-ce un âge pour croupir dans des lieux d’enfermement, maisons de correction, forteresses, pontons, bagnes, sur le vieux continent ou les terres colonisées du Pacifique ? Ils étaient apprentis, jeunes ouvriers ou engagés dans la Garde nationale. Est-ce un âge pour ne plus étudier ou apprendre ?
Incarcérés pendant quelques semaines, quelques mois ou déportés à l’autre bout du monde durant des années, des milliers d’enfants furent arrêtés à Paris lors de la Semaine sanglante par les armées de Versailles. Leur sort reste une page, sinon blanche, au moins grise et opaque de l’histoire de la répression de la Commune de Paris au printemps 1871.
Ces victimes oubliées sortent de la tombe symbolique où elles avaient été enfouies, depuis plus de 150 ans, par le récit national officiel, grâce à la persévérance de Annie Gayat, Sylvie Pepino et Claudine Rey.
Après le Dictionnaire des femmes de la Commune, les trois autrices, au terme d’un long voyage dans les archives, offrent, avec ce Petit dictionnaire des enfants emprisonnés, une réhabilitation à deux mille très jeunes gens. Les noms et prénoms y sont répertoriés, comme dans tout dictionnaire, par ordre alphabétique. On y rencontre Louis Bach, 13 ans, tourneur sur cuivre, arrêté le 23 mai 1871 ; Almire Girault, 15 ans, apprenti pâtissier, arrêté le 22 mai 1871 ; Arthur Pagès, 16 ans, garçon perruquier, arrêté le 1er juin 1871 ; et tant d’autres qu’ils aient activement ou non participé à l’insurrection du 18 mars.
Nul doute que cet ouvrage participera à augmenter, et même à renouveler, l’historiographie de la Commune.
SYLVIE BRAIBANT
LA VISION DE LA COMMUNE EN DÉBAT
Emmanuel Brandely, Les historiens contre la Commune, Ed. Les Nuits Rouges, 2024.
Manifestement la Commune de Paris suscite encore des débats et des échanges vigoureux. Emmanuel Brandely, professeur d’histoire dans un lycée des quartiers Nord de Marseille, publie aux éditions Les Nuits Rouges, un livre virulent intitulé Les historiens contre la Commune. Cet ouvrage lui permet d’établir un bilan critique du 150e anniversaire et de l’influence de la nouvelle historiographie de la Commune de Paris. En soi, l’approche n’est pas inintéressante car elle permet de relancer le débat autour la qualification de socialiste ou pas de la Commune, du nombre de morts, de l’influence de l’AIT en son sein, de l’analyse que Marx en faisait. Sans oublier la vision de cette commémoration par les pouvoirs publics. Les initiatives fleurirent et notre association en a soutenu de nombreuses. Autant d’initiatives sans doute sympathiques, mais essentiellement symboliques, voire folkloriques, relevant de l’hommage à un passé révolu et commémorant une Commune largement dépolitisée, c’est-à-dire consensuelle, selon l’auteur. Qu’aurait-il écrit, s’il avait vu la statue dorée de Louise Michel exhibée lors de la cérémonie des JO ?
Deux historiens font l’objet de sa critique très argumentée, Robert Tombs et Quentin Deluermoz. Leur formation, leur approche, leurs idées, leur vocabulaire sont passés au crible. Sans compter les autres dont certains très proches de notre association. Échappent à la critique le philosophe Stathis Kouvélakis et la mathématicienne Michèle Audin. Pour lui, globalement, l’approche marxiste a été critiquée, ou a minima occultée, et une vision quasi-libérale l’emporterait. Sans pouvoir négliger cet évènement, comme le fit le Président de la République actuel, l’idéologie dominante organisa une banalisation de la Commune et canonise certains de ses acteurs. Pour Emmanuel Brandely, il faut revenir à une analyse en termes de classes sociales en ne considérant pas cette Commune comme un crépuscule mais bien comme une aurore, prélude aux révolutions du XXe siècle. Le débat reste ouvert.
FRANCIS PIAN
UNE ÉTOILE M’A DIT...
Justine Jérémie. Une étoile m’a dit…, Jean-Michel Auxiètre, L’Harmattan, 2024.
Ce livre est une biographie de Justine Jérémie, chanteuse populaire engagée, féministe, née sur la Butte-aux-Cailles. Elle est membre de notre association et elle est venue chanter à la fête de la Commune.
Elle est autrice, compositrice et interprète. Elle a sorti 2 CD.
Toujours accompagnée de son accordéon, elle chante ses chansons, mais aussi celles de Jean Ferrat, Charles Aznavour, Pierre Perret, Georges Brassens … et bien sûr des chansons de la Commune. Elle a un répertoire de plus de 500 chansons.
Elle chante partout où on la demande, en France et à l’étranger.
Le livre est écrit à partir de nombreuses rencontres entre Justine et l’auteur, mais aussi des entretiens faits par plusieurs medias. Il contient également les textes de nombreuses chansons faisant partie de son répertoire.
Certaines sont connues, comme « la Semaine sanglante » ou « l’Internationale » (un chapitre est consacré aux chants de la Commune). D’autres chansons, toutes engagées, sont peu connues, comme « pour me rendre à mon bureau », « les Penn Sardin », « les mangeux d’terre », ou « la chanson des maçons de la Creuse ».
Cet ouvrage nous permet de découvrir cette chanteuse hors normes et donne envie de faire sa connaissance et surtout de l’écouter chanter !
MARIE-CLAUDE WILLARD
LES MARINS DE LA FLOTTILLE DE LA COMMUNE DE PARIS
Les marins de la flottille de la Commune de Paris, Rémy Scherer, Éditions du Petit Pavé, 2024.
L’auteur, Rémy Scherer, nous avait mis l’eau (de la Seine) à la bouche en nous présentant ce sujet dans le numéro 92 du bulletin de l’association, au 4e trimestre 2022. Cet aspect méconnu de la Commune fait l’objet d’un ouvrage. Il étend l’histoire de la flottille, de la guerre de 1870, où elle devait naviguer sur le Rhin, au réarmement par les troupes versaillaises, après la Semaine sanglante. Belle épopée que celle de cette flottille. Nous découvrons l’importance de la navigabilité de la Seine, l’existence d’un corps de marins pour assurer les manœuvres des bateaux, parce que Paris est un grand port fluvial. Une affiche avait appelé à la formation des marins au sein de la Garde nationale. Le 6 avril, il y a un délégué au ministère de la Marine. À partir de sources historiques multiples, Rémy Scherer nous intéresse aux divers types de bateaux, qu’il élargit aux fameux bateaux-mouches et aux bateaux-lavoirs. Une carte de la région parisienne nous permet de repérer les points d’évolution de la flottille et ses missions. L’aspect humain est primordial. L’auteur nous livre la composition sociologique du corps des marins, depuis le capitaine de vaisseau René Edmond Thomasset jusqu’aux canonniers, fusiliers, chauffeurs, matelots, mécaniciens… Ce n’est pas une surprise de trouver la présence de femmes « marins » combattantes. Citons-les (elles ont leur portrait) : Hortense Aurore Machu, qui tire au canon et à la mitrailleuse, Marie-Christine Dargent, dite Christe Marie, pointeuse, ainsi que Clara Fournier.
Cette flottille mérite d’être tirée de l’oubli.
Encore une fois, les éditions du Petit Pavé, par ce livre en neuf chapitres et six contributions annexes, œuvrent pour une meilleure connaissance de la Commune.
MICHEL PINGLAUT
UNE VISION TERRORISANT L'ASSEMBLÉE VERSAILLAISE
La vision de Versailles, Prosper-Olivier Lissagaray, Editions Le bas du pavé, 2018.
On ne présente plus Prosper-Olivier Lissagaray, journaliste et auteur d'un ouvrage de référence (1).
Exilé en Angleterre, comme d'autres communards, il écrit et fait publier en 1973 un pamphlet vengeur. Étrange récit d'épouvante dans lequel les morts de la Commune sortent des tombes et des charniers pour qu'ils jugent à leur tour, devant l'Histoire, les membres de l'Assemblée versaillaise, terrorisés devant cette vision, devant ces vaincus revenus les hanter. Des tribunes les voix se précipitent, criant :
« Allons ! Sortez ! Il n'y a point parmi vous un homme du présent. Sortez, corrompus, fanatiques, singes sanguinaires, et faites place à ceux qui travaillent, à ceux qui instruisent, à ceux qui feront parler la voix de la nation. »
« Sortez ! Nous sommes les femmes qu'on fusilla place Vendôme, après les avoir déshonorées. »
« Sortez ! Nous sommes les enfants que l'on fusilla pour avoir accompagné leurs pères. »
« Sortez ! Nous sommes les prisonniers qui ne pouvaient suivre les convois. On nous abattait sur la route et les bourgeois applaudissaient. »
Un texte à découvrir, avec douze illustrations, et à lire sans modération.
PASCAL BAUMER
(1) Histoire de la Commune de 1871, Prosper-Olivier Lissagaray, Editions La Découverte, 2005.