Cet ouvrage regroupe les conférences prononcées au Petit Palais à l’occasion du 140e anniversaire de la Commune de Paris par Jean-Louis Robert, Sylvie Aprile, Laure Godineau, Claudine Rey, et Jacques Rougerie.
Il débute par une réflexion sur la nature de cette révolution qu’est la Commune, éclairant les événements d’analyses et de points de vue explicatifs ; complétée comme en creux par un « contre la Commune » qui montre comment le combat armé des versaillais a été secondé par le combat des mots et des images.
Il nous est expliqué ensuite que la Commune, c’est aussi la volonté de construire une démocratie active et sociale par la mise en place d’une démocratie directe dans les commissions municipales, la garde nationale, les clubs et les sections de l’Internationale.
Par leur participation citoyenne, les femmes, bien que n’ayant pas le droit de vote, ont contribué à la construction de cette démocratie en s’organisant et en agissant pour la défense de Paris et de leurs conditions de vie et de travail.
Quant aux étrangers, la Commune considère qu’elle a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent. Elle fait ainsi une avancée jamais dépassée de l’intégration politique des étrangers en France.
De plus, la Commune considère que les arts, comme d’autres activités, relèvent de l’association ouvrière et de la démocratie sociale et met en place des mesures concrètes de fonctionnement des institutions : musées, bibliothèques, écoles, théâtres, opéra.
Enfin, on perçoit comment les communards, malgré les tensions graves de leur révolution, ont tenté de construire une justice qui garantisse le droit des citoyens et qui soit plus démocratique et humaine.
Ainsi ce recueil nous donne des clés pour la compréhension de ce moment de l’histoire politique, sociale et culturelle qu’est la Commune de Paris 1871, et de ce Paris qui s’était rêvé capitale de la « République universelle ».
ANNIE LIMOGE-GAYAT
Le Paris de la Commune -1871, sous la direction de Jean-Louis Robert, Belin, 2015.
‘LA VIE ET LA MORT DE LA COMMUNE DE PARIS’
John M. Merriman, né dans l’État de l’Oregon en 1946, est depuis les années 1970 professeur d’histoire à l’Université Yale, où il enseigne notamment l’histoire de la France contemporaine. Dans son importante production historique, il s’intéresse surtout à la société française et aux mouvements sociaux en France au XIXe siècle.
Récemment, il a publié plusieurs livres sur l’histoire de Paris, notamment Dynamite Club : l’invention du terrorisme à Paris (Tallandier, 2009 ; aussi traduit de l’anglais en mandarin), et surtout Massacre : The Life and Death of the Paris Commune (non traduit en français).
Son histoire de la Commune de Paris révèle sa profonde connaissance de l’histoire de France et apporte une riche documentation. Dans cet ouvrage, il démontre une grande maîtrise de l’histoire de la Commune, avec une écriture vivante et des analyses convaincantes. Une histoire qu’il arrive à rendre palpitante grâce à l’utilisation judicieuse, et toujours pertinente, des témoignages de l’époque.
Merriman est inégalable dans sa description de l’attitude de la bourgeoisie envers le peuple, notamment l’art et la manière qu’a la bourgeoisie de stigmatiser les pauvres. Et puis il y a surtout son traitement magistral du massacre de la Révolution et des communards par les forces de l’ordre et le gouvernement de Thiers : c’est un véritable « terrorisme d’Etat ». En effet, l’armée française, envoyée par le gouvernement français dans le Paris insurgé, a été largement responsable du carnage, qui restera la plus violente et sanglante répression urbaine du XIXe siècle.
L’ampleur de la répression se mesure tout particulièrement par le grand nombre de victimes. Nous savons que les nouveaux décomptes de la part des historiens tendent plutôt à minimiser la signification du massacre [1].
Justement, Merriman ne procède pas à de nouveaux décomptes quantitatifs — tout en reprenant utilement ceux de Jacques Rougerie et Robert Tombs — mais plutôt à une présentation plus qualitative afin d’arriver à une démonstration plus juste de la nature et de l’ampleur du massacre organisé par le gouvernement français et perpétré par l’armée française.
Cette approche qualitative repose sur une abondante littérature historique (parfois difficile d’accès) notamment des correspondances, des souvenirs, et des témoignages, aussi bien des versaillais que des communards, des Français que des étrangers.
Comme Merriman le souligne, en reprenant Maxime Vuillaume et Louise Michel, nous ne connaîtrons jamais tous les noms ou encore le nombre des victimes. Mais, maintenant, nous connaissons bien l’histoire du massacre du peuple de Paris, le plus grand de l’histoire du XIXe siècle.
MARC LAGANA
John M. Merriman, Massacre : The Life and Death of the Paris Commune, New-York, Basic Books, 2014.
Voici un livre qui embrasse à la fois les répercussions des révolutions parisiennes et les aspects politiques et militaires de l’invasion prussienne en Touraine, dont le modeste chef-lieu est devenu une seconde capitale de la France à l’automne 1870. Écrit par notre ami Julien Papp, l’ouvrage consacre d’abord une bonne place à l’accueil de la République dans le département d’Indre-et-Loire et à l’effervescence de la vie publique locale suscitée par l’arrivée de la Délégation du gouvernement central, puis de Gambetta, pour organiser la défense du pays ; suscitée également par l’arrivée de Garibaldi, puis des volontaires de toutes origines pour défendre le régime issu de la révolution du 4 septembre, annonciateur d’une « République universelle ».
Rythmée par les événements parisiens, par les nouvelles du front et la diplomatie de la guerre, la vie politique à Tours connaît très rapidement des conflits entre le « parti démocrate », prêt à résister à l’ennemi, et l’ancienne municipalité « impérialiste » du Second Empire, que Gambetta a maintenue contre vents et marées en contradiction avec la volonté de la population qui, de tous côtés, réclame des armes pour ses francs-tireurs et ses gardes nationaux.
L’auteur décrit l’ambiance qui s’installe dans la ville après le 8 décembre, quand la délégation va s’installer à Bordeaux, et on suit les épreuves de l’occupation prussienne qui intervient en janvier. Dans la vie politique, l’armistice du 28 janvier, puis les élections de février et surtout l’insurrection parisienne et la proclamation de la Commune en mars, finissent par provoquer des antagonismes violents entre le camp réactionnaire et les républicains radicaux. Leur attitude, conciliatrice dans la guerre civile mais épousant la cause de la Commune de Paris, donne lieu à des analyses circonstanciées qui s’appuient principalement sur le journal du parti démocrate, le Républicain d’Indre-et-Loire. Le livre revient sur la situation locale après la Semaine sanglante et s’achève sur l’évocation des communards originaires de Touraine, décrivant le profil sociologique et l’action d’une centaine d’entre eux qui ont pu être identifiés d’après les statistiques de la répression.
Rémy Barbier
Julien Papp, La République en Touraine et la Commune de Paris (1871-1873), Éditions du Petit Pavé, St Jean-des-Mauvrets, 2015, 259 p.
On ne connaissait que le premier volume des mémoires de Louise Michel paru en 1886. Un deuxième volume était annoncé, mais il ne fut jamais édité en livre de son vivant. Après sa mort, en 1905, va paraître un second volume sous le titre Souvenirs et aventures de ma vie qui reprend des textes de Louise Michel, mais arrangés et modifiés par Arnould Galopin, romancier et feuilletoniste qu’elle connaissait, ce qui fait qu’il est difficile aujourd’hui de faire la part entre ce qui relève de Louise Michel et ce qui est ajouté par Galopin. Pourtant il existait un second volume publié en feuilleton entre le 26 mars et le 31 août 1890 dans le quotidien L’Égalité, journal révolutionnaire dirigé par Jules Roques. Ce sont ces 69 feuilletons qui sont pour la première fois édités en livre. Comme l’indique le titre même de l’ouvrage, la tonalité est sombre, crépusculaire. Dès les premières pages, elle se présente : « Nous les derniers d’une époque »(…) nous habitons la nécropole où rien ne peut rester debout ». Elle consacre aussi un long développement aux communards disparus au cours des quatre dernières années.
On est très éloigné du récit autobiographique du premier volume dans lequel elle parlait de son enfance et de sa jeunesse et livrait ses sentiments, ses émotions, ce qui avait pu charmer un large public. Ici presque plus rien d’intime, de personnel. Le « Je » s’efface au profit du groupe. Plus que d’une autobiographie, il s’agit ici d’un journal de bord tenu par une combattante dans lequel se succèdent des procès-verbaux, des notes, des poèmes, des lettres d’injures, un règlement d’usine. Le rythme aussi est conditionné par l’urgence du temps qui passe et par les menaces qui pèsent sur elle (prison, procès, attentat). Pour elle, il s’agit uniquement d’être la porte-parole de ceux avec lesquels elle combat, de montrer les injustices de la société capitaliste et de révéler à quel point le système doit être renversé. Elle croit toujours à l’avènement de « la Sociale », grâce à la grande grève qui fera sauter « un vieux monde gangrené jusqu’à la gorge ». Elle est plus que jamais internationaliste et universaliste s’intéressant aussi bien aux anarchistes pendus à Chicago, qu’aux nihilistes russes, aux luttes des Kanaks ou aux femmes exploitées qu’elle a rencontrées lors de ses séjours en prison. Tout l’intéresse et la prison, loin de lui peser, devient un lieu d’observation et de travail (elle étudie l’argot des femmes en prison comme elle avait collecté les légendes kanak.) Elle fait aussi le relevé complet des séjours en prison de tous ses compagnons. Un document important, complété par une préface très intéressante, des notes utiles à l’éclairage des personnages et des événements.
PAUL LIDSKY
Louise Michel, À travers la mort, Mémoires inédits 1886-1890, La Découverte, 2015.
[1] À ce propos, voir Jean-Louis Robert, « Le nombre de morts pendant la semaine sanglante », La Commune, N° 60, 2014, trimestre 4, p. 29-30).