Voici donc venu le temps de la réhabilitation
Depuis quelque temps, les livres se multiplient, qui évoquent la Commune ou sa trace dans l’imaginaire collectif. Dans la capitale, des rues portent le nom de communardes ou de communards. L’Hôtel-de-Ville lui-même a sa plaque, rappelant l’action courageuse de ceux qui siégèrent dans ses murs, entre mars et mai 1871. Mil-huit-cent-soixante-et-onze ne sera plus seulement « l’année terrible », mais la marque persistante d’un rêve exceptionnel. Voilà de quoi réjouir toutes celles et ceux qui aiment la Commune de Paris et tout particulièrement notre Association, qui n’a certes pas le monopole de cet amour, mais qui fait tant pour mettre fin à l’oubli.
Car la Commune a toujours eu deux adversaires, la haine et l’oubli. Pour contrer la haine, il suffit de montrer ce qu’était vraiment la Commune. L’oubli est plus insidieux, suggérant tantôt l’idée qu’il ne faut pas remuer les vieilles querelles, tantôt que la Commune serait d’un temps révolu. À cela il faut rétorquer que la Commune n’était pas une querelle, mais une exigence. Qu’elle n’était pas seulement un rêve fou, mais la désignation, fût-elle incertaine encore, d’une société possible.
Et on peut surtout rappeler qu’elle énonçait quelques principes simples, à usage immédiat, dont l’oubli s’est toujours payé chèrement. Un pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple… Qui peut nier que c’est pour ne pas pousser cette logique que notre démocratie s’anémie ? L’égalité des conditions et pas seulement l’égalité en droit… Qui pourrait contester que l’inobservation de cette attente déchire nos sociétés, attise les haines, alimente l’exclusion et la violence ?
Savoir comment être fidèle aux idéaux de la Commune n’a rien de simple, et ce n’est pas à notre association de faire la leçon. Mais rappeler sans relâche ces idéaux, exposer ce que les femmes et les hommes de la Commune en firent, en si peu de temps, voilà notre mission.
Dans l’immédiat, cela nous conduit à avancer deux demandes. Tout d’abord, la visibilité de la Commune dans l’espace public ne devrait-elle pas être complétée par un geste plus symbolique encore : dans une capitale où la mobilité est cruciale, la Commune de Paris 1871 ne mériterait-elle pas qu’une station de métro parisien porte son nom ?
Et si les idéaux sont si propulsifs et si modernes, est-il admissible que, à 144 ans de distance, les condamnés d’alors restent juridiquement coupables ? En 1880, toutes et tous furent amnistiés. Mais amnistier n’est pas décharger de la faute.
Voici donc venu le temps de la réhabilitation.
ROGER MARTELLI