Rentrés d'exil ou de déportation après l'amnistie de 1880, les Communards fréquentaient alors les cabarets montmartrois, comme le « Chat Noir » ou la « Taverne du Bagnes », ouverte par Maxime Lisbonne de retour de Nouvelle-Calédonie. Le dessinateur croque les mineurs les blanchisseuses les terrassiers, les prostituées et les gosses des rues, avec justesse et empathie. En 1885, il peint « La Commune ou Louise sur une barricade », sans doute inspiré par l’ambulancière de la rue Fontaine-au-Roi, à laquelle Jean-Baptiste Clément dédia « Le Temps des cerises ». Armé de son crayon aiguisé, Il fustige I ’église, l'armée, et les députés corrompus dans « La Feuille » de l’anarchiste Zo d’Axa, « La Fronde » et le « Chambard socialiste ». Dans un dessin publié dans « L’Assiette au beurre » un officier et un curé devisent cyniquement au pied de la basilique du Sacré-Cœur en construction : « Voilà un bon revolver mis sous le nez de la gueuse ! » En pleine vague antisémite, en 1898, Steinlen dessine le capitaine Dreyfus lâchement frappé à terre par une foule déchaînée.
Quand la Première Guerre mondiale éclate, fidèle à son antimilitarisme, Il refuse d’emboucher les trompettes de l'Union sacrée. S’il se rend au front, c'est pour dessiner les poilus blessés et les civils errant parmi les ruines. Ne ratez pas cette rétrospective, la plus importante consacrée à cet observateur engagé, depuis celle de Montreuil, il y a une vingtaine d'année.
John Sutton
Musée de Montmartre : I2, rue Cortot, 75018 Paris.
Tél, : 01 49 25 89 37. Jusqu’au 13 février 2005