Souvent on demande comment, malgré la répression et la conspiration du silence, la mémoire de la Commune a pu s'étendre à travers toute la France. Nous donnons un exemple au travers d’un livre d'André Gaillard publié en 1978, (le siècle Trioulais, Éd. Brissaud - Poitiers) où sont relatées les aventures de Jacques Cillet et du caporal Alexandre Vien, habitants d'un village des Deux-Sèvres.

Les aventures de Jacques Cillet, jeune bleu de la classe 70, furent plus diverses. Il partit seulement après le désastre de Sedan, avec les mobiles des Deux-Sèvres, un peu avec l’idée qu'il allait sauver son pays, comme les volontaires de 92 !...

Il emporta dans son bissac de la nourriture pour huit jours et son couteau à cran d'arrêt. Il se rendit à Melle, chef-lieu d’arrondissement, comme son ordre d'appel le lui précisait. Là, il attendit que tous les mobiles du sud des Deux-Sèvres fussent rassemblés et huit jours après son premier départ, il repassait sur la route de Mougon, dans sa commune natale, nanti d’un uniforme neuf et d'un Chassepot d’occasion. Le fusil pesait lourd, la giberne aussi ; le sac, la gamelle, la toile de tente l’encombraient, mais il passait digne devant les habitants des villages traversés qui donnaient à boire aux soldats.

À Niort, il fallut attendre que tous les mobiles soient équipés. On constitua les compagnies les sections les escouades. Et l'on partit sans se presser, on s'épuisa en marches, contremarches a la recherche d'un ennemi invisible ; on ne le trouva pas, comme si aucun Prussien n'occupait la France !... Et la fin de la guerre survint sans coup férir, mais on avait marché, marché, marché...
Et par hasard, on se trouva dans l'armée de Monsieur Thiers, aux environs de Versailles. C'est ainsi que Jacques Cillet, un beau jour, apprit de la bouche de ses chefs que ses ennemis étaient les Communards : des Français ! des Parisiens ! du pauvre peuple de sa propre capitale ! Alors qu'il partait avec le ferme désir de bouter les Prussiens hors de France, il comprenait subitement que ses chefs l’entraînaient dans une guerre contre ses propres concitoyens. Il le comprit d'autant plus qu'il alla investir Paris.

Pendant la Semaine sanglante : des soldats de l'armée régulière victorieuse vérifient les mains de suspects (dans la foule, un enfant). Si les mains sont noires de poudre, il s'agit d'insurgés ayant participé aux combats sur les barricades. Ils seront exécutés sommairement ou transférés dans les camps de Versailles ou Satory en attente de jugement par les cours martiales.   (Source : Illustrated London News du 17 juin 1871)
Pendant la Semaine sanglante : des soldats de l'armée régulière victorieuse vérifient les mains de suspects (dans la foule, un enfant). Si les mains sont noires de poudre, il s'agit d'insurgés ayant participé aux combats sur les barricades. Ils seront exécutés sommairement ou transférés dans les camps de Versailles ou Satory en attente de jugement par les cours martiales.   (Source : Illustrated London News du 17 juin 1871)

 

 Son caporal s'appelait Alexandre Vien, natif de Boisragon, commune de Breloux ; lui, comprenait encore mieux, vu son instruction. Il expliquait à ceux de son escouade que les Communards étaient des frères et qu'il ne fallait pas les tuer.

Une nuit, comme ils gardaient des prisonniers parisiens, sous la tente, Alexandre Vien, le caporal Jacques Cillet de Triou. François Piquereau de Saint-Rhue et Sulpice Blanquet de Souvigné, toute la nuit on causa. Les prisonniers enseignaient la Commune aux paysans des Deux-Sèvres. Ils savait tant de choses... Ils connaissaient les aspirations du petit peuple. Ils les expliquaient si bien... Avant l'aube, dans la nuit noire, Alexandre Vien souleva un coin de la toile de tente et fit évader ses prisonniers communards.
Le lendemain on lui enlevait ses galons sur le front des troupes. Le rapport que Jacques Cillet n’écoutait qu'à moitié parlait de déshonneur... Les habitants de Breloux, à son retour, en jugèrent autrement : ils élirent Vien. Conseiller général, après l’affaire Dreyfus.

 

Raoul DUBOIS

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