Dès le projet de son érection, la colonne Vendôme est porteuse d’une charge symbolique de premier plan dans le paysage parisien. Prenant la suite d’une immense statue équestre de Louis XIV démantelée au lendemain de la Révolution française de 1789, Napoléon Bonaparte avait passé commande d’un colonne monumentale à la gloire de la Grande Armée victorieuse à Austerlitz (au coût de la vie de dizaine de milliers de soldats) sur le modèle de la colonne de Trajan à Rome. Il avait demandé que soit ouverte une nouvelle artère, la rue de la Paix, pour la mettre en valeur.

Carlo Canella, Louis-Philippe inaugurant la statue de Napoléon sur la colonne Vendôme. (© Musée Carnavalet)
Carlo Canella, Louis-Philippe inaugurant la statue de Napoléon sur la colonne Vendôme. (© Musée Carnavalet)

La colonne est inaugurée le 15 août 1810 surmontée d’une statue de Napoléon en César déposée en 1814 lors de l’occupation de Paris par les troupes coalisées permettant la Restauration, qui sera fondue en 1818.

La monarchie de Juillet, le 28 juillet 1833, en présence de Louis-Philippe, place une nouvelle statue de Napoléon en redingote de petit caporal. Cette statue est actuellement exposée dans la cour d’honneur de l’Hôtel des Invalides.
Napoléon III, la fait remplacer le 4 novembre 1863 par une réplique de la première statue en empereur romain, tenant le globe de la victoire en main gauche et l’épée de sa main droite.

Karl Marx avait envisagé la chute de Napoléon III en concluant de manière allégorique son pamphlet politique Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte de 1852 par la phrase :

Mais si le manteau impérial tombe finalement sur les épaules de Louis Bonaparte, la statue de bronze de Napoléon tombera de la hauteur de la colonne Vendôme. (1)

Affiche de la Commune de Paris N° 172 du 19 avril 1871 - Mise en vente des matériaux provenant de la colonne Vendôme (Source : argonnaute.parisnanterre.fr)
Affiche de la Commune de Paris N° 172 du 19 avril 1871 - Mise en vente des matériaux provenant de la colonne Vendôme (Source : argonnaute.parisnanterre.fr)

Abattre un symbole

Après la tragique défaite du militarisme impérial et le siège prussien, la Commune de Paris vota, le 12 Avril 1871, la démolition de la colonne de Vendôme :

La Commune de Paris considère que la colonne impériale de la Place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l'un des trois grands principes de la République: la fraternité !

La place Vendôme, siège d’un régiment de la garde nationale, est alors rebaptisée Place Internationale.
D’abord envisagée le 5 mai 1871, anniversaire de la mort de Napoléon, la colonne sera abattue le 16 mai avec des marins, sous la direction de l’ingénieur Iribe.

Le photographe Bruno Braquehais a fait plusieurs clichés de la démolition de la colonne et de nombreuses gravures illustreront ensuite l’évènement.

La Commune de Paris, 1871. Groupe devant les débris de la colonne Vendôme abattue par les fédérés le 16 mai 1871, 1er arrondissement, Paris.  Braquehais, Auguste Bruno , Photographe (© Musée Carnavalet - Histoire de Paris)
La Commune de Paris, 1871. Groupe devant les débris de la colonne Vendôme abattue par les fédérés le 16 mai 1871, 1er arrondissement, Paris.  Braquehais, Auguste Bruno , Photographe (© Musée Carnavalet - Histoire de Paris)

Après les considérations des philosophes ou urbanistes Henri Lefebvre ou David Harvey, la démolition et sa portée ont été notamment reconsidérées à l’occasion d’une exposition de l’historien de l’architecture David Gissen au Centre Canadien d’Architecture. (2)

Ce dernier décrit qu’afin de protéger les bâtiments environnants, un projet de paysage radical fut élevé sur la place, le monticule de Vendôme, destiné à amortir la chute. Le monticule, qu’il a tenté de réinstaller, représente un objet d’une simplicité trompeuse, pourtant à l’origine d’une réalisation provocante: une construction de terre qui caractérise une tentative radicale dans la transformation de l’iconographie urbaine.

Après le remodelage du paysage urbain parisien par le préfet et baron Haussmann, avec de grands boulevards et des immeubles bourgeois, les communards avaient aussi l’ambition de promouvoir une autre vision de la ville.

Barricade place Vendôme après la destruction de la colonne - Photographie de Franck (François Gobinet de Villechole) (© Musée Carnavalet - Histoire de Paris)
Barricade place Vendôme après la destruction de la colonne - Photographie de Franck (François Gobinet de Villechole) (© Musée Carnavalet - Histoire de Paris)

Mairie du 8e arrondissement : rapport sur la démolition de la colonne Vendôme, 26 mai 1871. Archives de Paris, VD6 1586 (page 1).  Mairie du 8e arrondissement : rapport sur la démolition de la colonne Vendôme, 26 mai 1871. Archives de Paris, VD6 1586 (pages 2 et 3).
Mairie du 8e arrondissement : rapport sur la démolition de la colonne Vendôme, 26 mai 1871. Archives de Paris, VD6 1586 (page 1 à 3).

      

 

Une polémique toujours vivante

Dans un esprit revanchard, la restauration de la colonne fut un des premiers objectifs des versaillais, et le président de la République, le maréchal de Mac-Mahon, décide en mai 1873 de faire reconstruire la colonne Vendôme aux frais de Gustave Courbet (soit 323 091,68 francs selon le devis établi). Décision aussi exceptionnelle qu’inique, l’imputation d’un acte collectif à une unique personne qui n’était pourtant pas élue au moment où la décision fut prise et qui n’assistait pas à la cérémonie. Décision criminelle aussi, qui ruina et condamna Gustave Courbet à un court exil suisse et à une mort précoce.

La reconstruction fut rapidement exécutée, reprenant l’option du Napoléon en César, la plus caractéristique du militarisme impérial.
En 2014, l’artiste Paul Mac Carthy, plutôt que de la démolir mais pour la ridiculiser, avait installé à côté de la colonne un «arbre» gonflable ou plutôt un « plug » anal. Il fut violemment agressé, blessé, et son œuvre vandalisée. (3)


En 2014, l’artiste Paul Mac Carthy, plutôt que de la démolir mais pour la ridiculiser, avait installé à côté de la colonne un «arbre» gonflable ou plutôt un «plug» anal. Il fut violemment agressé, blessé, et son œuvre vandalisée
En 2014, l’artiste Paul Mac Carthy, plutôt que de la démolir mais pour la ridiculiser, avait installé à côté de la colonne un «arbre» gonflable ou plutôt un «plug» anal. Il fut violemment agressé, blessé, et son œuvre vandalisée. (Source © Paris-Match)

 

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