Issu d’une famille bourgeoise, et après des études de droit qu’il abandonne faute d’argent, il devient clerc d’avoué à Paris. Sa première manifestation, le début d’une longue série de luttes, date de décembre 1830 dans les rangs républicains où il est blessé.

Le militant républicain.

Charles Delescluze (1809-1871)
Charles Delescluze (1809-1871)

Membre de la Société des Amis du Peuple, il participe à la défense du Cloître Saint-Merri, le 6 juin 1832. Sa première arrestation a lieu le 12 avril 1834 : il reste près d’un mois en prison. Poursuivi pour complot et appartenance aux sociétés secrètes, il s’exile en Belgique.

De retour en France, il devient journaliste et rédacteur, notamment dans L’Impartial du Nord, en 1841. Le ton plus nettement démocratique de son journal lui vaut un premier procès, un mois de prison et 2 000 francs d’amende.

Entré en relation avec Ledru-Rollin dès 1843, il fait proclamer, le 25 février 1848, la République à Valenciennes, puis il devient Commissaire du Gouvernement provisoire du Nord. Il s’y emploie à combattre la crise économique et à calmer les revendications ouvrières, car en vieux jacobin, il prône la bonne entente entre les maîtres et les ouvriers. Il échoue aux élections à l’Assemblée Constituante, vend son journal, fonde La Révolution démocratique et sociale le 7 novembre 1848, et annonce la création d’une organisation visant à rassembler radicaux et socialistes, la « Solidarité républicaine » dont le Comité central a une majorité de représentants du peuple. Pour avoir critiqué Cavaignac dans son nouveau journal, il se retrouve devant les Assises de la Seine, le 12 mars 1849, et il est condamné à deux peines successives. Il s’exile alors à Londres de janvier 1850 à juillet 1853.

Charles Delescluze

Revenu secrètement à Paris, il est arrêté par la police impériale, le 15 octobre 1853 ; une condamnation le mène alors de Mazas à Cayenne, en 1858. Très affaibli par sa détention, il est à nouveau à Paris, en 1860. Il fonde Le Réveil, pour la publication duquel il subit encore plusieurs condamnations ; il s’y oppose, entre autres, à la guerre, le 4 août 1870. Le 18, le journal est suspendu, même si la guerre déclarée, il a applaudi au patriotisme.

La participation de Charles Delescluze à la Commune va de soi. Dans son journal, il critique la politique économique de Thiers et la mollesse de la gauche parlementaire. Après la chute de l’Empire, il dénonce les faiblesses du gouvernement issu du 4 septembre.

Il se garde d’opposer ruraux et citadins, et conscient de la misère du peuple parisien, il ne dissocie pas la cause populaire de la cause communaliste. Et même s’il incarne la petite bourgeoisie jacobine, il a souvent eu l’occasion, en prison ou dans ses nombreuses luttes, de rencontrer des militants ouvriers.

Le communard.

Affiche de la Commune de Paris N° 386 du 1 prairial 79 (21 mai 1871) Au Peuple de Paris (Delescluze)

Il est élu maire du XIXe arrondissement, mais les pouvoirs des municipalités n’ayant pas été étendus, il démissionne. En janvier 1871, son journal est fermé, et il est encore emprisonné à Vincennes, puis à la Santé ; son état physique s’en trouve aggravé.

Élu député le 8 février, il démissionne rapidement. La Commune l’élit dans les XIe et XIXe arrondissements ; il opte pour le XIe. Mais très malade, souffrant d’une laryngite aiguë, il se retire quelques jours des réunions et des événements. Il rejoint pourtant ses camarades. Devant l’absence de programme politique, la situation militaire de la Commune se dégrade. Le 11 mai 1871, il est nommé délégué civil à la guerre et dans une proclamation à la garde nationale, lors de la prise de ses nouvelles fonctions, il en appelle au combat pour la liberté et l’égalité sociale. Mais une autre de ses déclarations, le lundi 22 mai, même si elle est vibrante, a des conséquences négatives : héritier de la Révolution française, persuadé que la lutte des rues serait favorable à la Commune, il y proscrit tout plan, toute discipline. En effet, déclarer :

Assez de militarisme ! Plus d’états-majors galonnés… ! Place au peuple, aux combattants aux bras nus ! ,

c’est entraîner une opposition contre les officiers et un morcellement de la défense. Cela ne fait que renforcer l’esprit de quartier et les formes locales de combat, empêchant ainsi toute vue d’ensemble.

Charles Delescluze a trouvé une mort volontaire sur une barricade, place du Château-d'Eau, à Paris, le 25 mai 1871
Charles Delescluze a trouvé une mort volontaire sur une barricade, place du Château-d'Eau, à Paris, le 25 mai 1871

Né à Dreux le 2 octobre 1809, Charles Delescluze a trouvé une mort volontaire sur une barricade, place du Château-d’Eau, à Paris, le 25 mai 1871.

La Commune va de défaite en défaite, et le combat est âpre sur la barricade du Château-d’Eau. Épuisé physiquement, Delescluze s’y rend. Auparavant, il a écrit une lettre poignante à sa sœur où il lui confie ne plus avoir « le courage de subir une nouvelle défaite après tant d’autres ».

Arthur Arnould lui rendra ensuite hommage :

Delescluze montra une grandeur et une abnégation qui en font certainement une figure historique hors-ligne, digne du respect, de l’admiration de tous […] Son amour du peuple son dévouement à la Révolution, vers la fin, éteignirent en lui tout égoïsme […] Lui, vieux jacobin, […] ne tarda pas à voir qu’il donnait sa vie pour une cause, la cause communaliste, dont plusieurs principes contredisaient, combattaient, quelques-unes de ses plus chères convictions.

Porté vers la majorité, il couvre de sa protection la minorité, rappelant que « l’ennemi était à Versailles, et que la Révolution ne comptait que des combattants dévoués sur tous les bancs de la Commune. »

Lissagaray, dans Les huit journées de mai, raconte les derniers instants de Delescluze. Les balles et les obus pleuvent, il est le seul à continuer de marcher :

le seul être humain sur le boulevard. Arrivé à la barricade, il obliqua à gauche et gravit les pavés. Pour la dernière fois, sa face austère, encadrée dans sa barbe blanche, nous apparut tournée vers la mort. Tout à coup, il disparut ; il venait de tomber comme foudroyé, sur la place du Château-d’Eau. » Les fédérés ne purent rapporter son corps. Lissagaray rappelle que Delescluze ne respira que pour la justice : « A la dernière heure, il lui sacrifia jusqu’à ses vieilles idées jacobines. Ce fut sa récompense de mourir pour elle les mains libres, au soleil, à son heure, sans être affligé par la vue du bourreau.

Charles Prolès, Les hommes de la Commune 1871, Delescluze, Chamuel Éditeur.
Charles Prolès, Les hommes de la Commune 1871, Delescluze, Chamuel Éditeur.

Dans l’ouvrage, publié en 1898, qu’il consacre à Delescluze, Charles Prolès nous relate le sort de la dépouille de ce dernier : son corps, ramassé le 27 mai dans un tas de vingt-huit cadavres, puis déposé sur les marches du théâtre Déjazet, est transporté à l’église Sainte-Élisabeth. Il est ensuite inhumé, avec d’autres, dans une tranchée, au cimetière Montmartre. Des regards amis ayant veillé à localiser l’endroit, il fut assez aisé de retrouver les restes de Delescluze pour les ensevelir dans une concession perpétuelle, en novembre 1883, dans la 49e division du cimetière du Père-Lachaise.

Le Livre rouge de la justice rurale, de Jules Guesde, est dédié à la mémoire de Charles Delescluze, cet homme épris d’absolu et entièrement dévoué à la Révolution, qui, pendant la Semaine sanglante, a choisi de mourir sur une barricade.

 

Michèle Camus.

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