La Commune de Paris, c’est aussi une diversité de femmes qui à travers les clubs, les organisations, a trouvé la possibilité de s’exprimer, et le moyen de faire évoluer la condition féminine.
Nous ne pouvons que saluer le rôle joué par ces figures emblématiques que sont Louise Michel, Paule Mink, André Léo, Nathalie Le Mel…
Mais nous voulions par cette rubrique avoir l’occasion de vous présenter d’autres femmes, celles-ci restées anonymes, et dont pourtant l’engagement pour la Commune fut entier.
Marie Manière est l’une de ces communardes, qui a choisi de s’investir dans la lutte pour l’instruction des jeunes filles. Elle fait alors le choix de défendre une école qui ne serait plus sous la responsabilité des ecclésiastiques, elle souhaite une école laïque et professionnelle. Pendant la Commune nous la retrouvons donc institutrice-directrice d’un atelier-école (38 rue de Turenne à Paris) où l’on valorise une formation donnée à la fois par des ouvrières et des institutrices. Ainsi l’expose t-elle dans le Vengeur du 3 avril 1871 (document disponible à la Bibliothèque Historique de la ville de Paris :
« L’échange de connaissances qui aura lieu entre ces diverses intelligences, s’exerçant côte à côte, constituerait un milieu très favorable à un enseignement progressiste entièrement dégagé de préjugés ».
Et pour toutes celles qui auront eu la chance de suivre cet enseignement, c’est une réelle possibilité d’être indépendante !
Marguerite Guinder, cette confectionneuse de métier se retrouve auprès des combattants du 66e bataillon en tant que cantinière et ambulancière. Dans le Journal Officiel du 9 avril on lui rend hommage notamment, pour ses qualités d’ambulancière, et pour son dévouement :
« Elle a, dans le combat du 3 courant, en avant de Meudon, tenu une conduite au-dessus de tout éloge et de la plus grande virilité, en restant toute la journée sur le champ de bataille, malgré la moisson que faisait autour d’elle la mitraille, occupée à soigner et à panser de nombreux blessés, en l’absence de tout service chirurgical ».
Le 19 juin 1872, elle est condamnée à la peine de mort, mais sa peine fut commuée en travaux forcés le 14 septembre 1872.
Sa condamnation par le Conseil de guerre est sans aucun doute représentative de son implication dans le mouvement communaliste, mais elle reflète aussi certainement la façon dont les officiers jugeaient ces femmes qui vivaient en concubinage, considérant que leur situation n’était qu’une preuve supplémentaire de leur immoralité. Marguerite Guinder fut mariée à un certain M. Prévost dont elle ne put divorcer malgré une séparation de fait. Lorsque la Commune débuta, elle vivait depuis plus de dix ans avec M. Lachaise, dont elle fit le choix de prendre le nom.
Victorine Rouchy était, tout comme le fut Marguerite Guinder, cantinière d’un bataillon (celui des « Défenseurs de la République »). Elle reste auprès des combattants jusqu’aux dernières barricades. Son mari est arrêté à Passy, là où il avait établi sa cantine ; il sera condamné le 14 février 1872 à deux ans de prison et à une surveillance policière de 10 ans. Victorine arrive à échapper aux Versaillais en s’exilant en Suisse.
Avant et pendant la Commune, elle s’inscrit dans ce courant qui encourageait l’instruction de « la classe laborieuse » avec une prédilection pour une question : le travail féminin. Elle s’oppose au mouvement proudhonien qui considérait que le travail était contraire à l’épanouissement des femmes ! Victorine, elle, espère instruction et emploi pour toutes les femmes, leur offrant enfin la possibilité d’être indépendante !
On connaît aussi Victorine par l’ouvrage qu’elle laissa :
(Le B rappelant son nom d’épouse, Brocher), grâce auquel elle souhaitait rendre hommage à toutes ces femmes qui furent accusées pendant la Semaine sanglante d’être des « pétroleuse », des incendiaires qui devant la défaite proche auraient enflammé Paris !
Plusieurs femmes furent fusillées en 1871 parce qu’on pensait qu’elles étaient Victorine…
Céline Toumazet-Ervalho