Le 17 avril 1871, sur la demande de Léo Frankel et au nom de la municipalité du 13e arrondissement, la Commune de Paris décide que la place d'Italie prendra le nom de place Duval.

Émile Duval était né à Paris, le 27 novembre 1840, ouvrier fondeur, il exerçait sur ses camarades d'atelier une influence extraordinaire.

Cette photo prise par Nadar serait celle  d'Émile Duval (1840-1871) (coll part.) d'après le MAITRON et "La Commune de Paris 1871 - Les acteurs, l'évènement, les lieux" de Michel Cordillot, Éditions de l'Atelier, 2020.
Cette photo prise par Nadar serait celle  d'Émile Duval (1840-1871) (coll part.) d'après le MAITRON et "La Commune de Paris 1871 - Les acteurs, l'évènement, les lieux" de Michel Cordillot, Éditions de l'Atelier, 2020.
Croquis exécuté par Maxime Lisbonne représentant le général Émile Duval (1840-1871) paru dans « l’Ami du Peuple » du jeudi 2 avril 1885.
Croquis exécuté par Maxime Lisbonne représentant le général Émile Duval (1840-1871) paru dans « l’Ami du Peuple » du jeudi 2 avril 1885.

Membre de l'internationale, il parvint à former dans le 13e un des foyers les plus ardents de révolutionnaires qui commençaient à inquiéter très sérieusement l’Empire.

En 1869, il s'adressait aux travailleurs à la barrière Montparnasse en ces termes :

Il faut supprimer ce reste de féodalité qui ne s'appelle plus noblesse, mais bourgeoisie... Nous voulons l'égalité des salaires, que la valeur de chaque chose soit basée sur le temps qu'on a mis à la produire.

Nous voulons l'application du droit naturel, l'égalité nous supprimons l'hérédité, la propriété individuelle et le capital qui ne peut exister sans travail. En 1848, on a proclamé le droit du travail, nous proclamons l'obligation au travail.

Que celui qui travaille mange, mais que celui qui ne travaille pas n'ait aucun droit...

Par la collectivité, plus de paupérisme.

Ainsi parlait celui que le 13e arrondissement allait élire à la Commune de Paris.

Dans la nuit du 4 au 5 mars 1871, les délégués des bataillons de la garde nationale du 13e procédèrent à l'élection d'un Comité de vigilance, Duval en fut nommé président.

À partir de cette date, tout l'arrondissement était sous la direction de Duval et les mandats d'arrêt lancés contre lui ne purent jamais être exécutés.

Le matin du 18 mars, Duval était prêt et dès l'annonce des événements de Montmartre, à la tête des bataillons du 13e et du 5e, il prenait possession de la préfecture de police.

Ordre signé par le général de la Commune de Paris 1871 Émile Duval.
Ordre signé par  Émile Duval, général de la Commune de Paris 1871.

Après la fuite de Thiers, Duval conseilla au Comité central de marcher sur Versailles, il ne fut pas écouté et lorsque la décision fut prise, au début avril, il était déjà trop tard.

Avec l'aide de Bismarck, les Versaillais s'étaient renforcés, et lors de la sortie sur Versailles, le général Duval fut une des premières victimes de la férocité des armées gouvernementales.

Fait prisonnier sur le plateau de Châtillon, il fut dirigé sur Versailles, mais laissons ici la parole à Élisée Reclus, qui faisait partie du détachement de Duval :

Nous cheminions sur la route de Versailles, cinq par cinq, gardés de chaque côté par deux cadres de fantassins et de hussards. En face, on voyait arrêté un groupe de cavaliers étincelants : c'étaient Vinoy et son état-major.

La colonne s'arrête. Nous entendons des paroles violentes, un ordre de mort. Trois des nôtres, entourés d'une troupe de soldats, franchissent lentement un ponceau qui relie la route à un pré entouré de haies et limité à l'est par une maisonnette portant l'enseigne : "Duval, horticulteur" .

Maison dans laquelle a été arrêté le général Duval et arbre contre lequel il a été fusillé, Châtillon. Blancard, Hippolyte , Photographie entre 28-01-1871 et 16-03-1871 (Source : © Paris Musées / Musée Carnavalet)
Maison dans laquelle a été arrêté le général Duval et arbre contre lequel il a été fusillé, Châtillon. Blancard, Hippolyte , Photographie entre 28-01-1871 et 16-03-1871 (Source : © Paris Musées / Musée Carnavalet)

 Nos trois amis s'alignent à vingt pas de la maison, ils montrent leur poitrine et relèvent la tête « Vive la Commune ! ». Les bourreaux sont en face. Je les vois un instant, cachés par la fumée et deux de nos camarades tombent sur la face. Le troisième chancelle, comme s'il allait tomber du même côté, puis se redressant, il oscille de nouveau et se renverse face au ciel.

C'était Duval. Un des fusilleurs se précipite sur lui, arrache les bottes à l'homme qui frémissait encore et, deux heures plus tard, dans la poussière, triomphal à travers les rues de Versailles, le soldat fait parade de son butin...

Son corps ne fut jamais retrouvé, les journaux de la Commune et les journaux Versaillais firent état de sa mort, ce qui n'empêcha pas le 6e Conseil de guerre de le condamner par contumace, le 4 février 1873, à la déportation à vie en enceinte fortifiée et, en 1879, une fiche de police constatait que sa résidence actuelle était inconnue et les renseignements sur sa conduite étaient suivis de : néant...

Le cynisme du gouvernement de Thiers après la Commune n'eut pour égal que la férocité des troupes versaillaises pendant les combats.

La sépulture du général Duval est restée inconnue et en dehors de ses contemporains, nul n’a connu son visage, car en effet, de tous les membres de la Commune, seul le portrait d’Émile Duval est resté introuvable.

Son corps a disparu, son visage est inconnu, mais son idéal vit encore, un siècle après sa mort.

 

Jean Braire

L’article de Jean Braire est paru dans La Commune Revue d’Histoire de l’Association des Amis de la Commune 1871, N° 8 – septembre 1977.

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