LA FORME-COMMUNE. - LA LUTTE COMME MANIÈRE D’HABITER.

Kristin Ross, La forme-Commune, La lutte comme manière d’habiter, La Fabrique éditions, 2023.

Kristin Ross, La forme-Commune, La lutte comme manière d’habiter, La Fabrique éditions, 2023.

Kristin Ross, universitaire américaine, spécialiste de culture française, a consacré plusieurs essais au rayonnement de la Commune de Paris dans les arts et la littérature, mais aussi l’éducation et le monde du travail (1).

Son dernier ouvrage, La forme-Commune, traite des luttes con-temporaines, depuis les résistances paysannes des années 60-70 (Larzac, Sanrikuza (2)…) jusqu’aux actions actuelles des Soulèvements de la Terre.

L’autrice s’attache à l’administration des mouvements et à l’espace dans lequel ils se déroulent plutôt qu’à leurs idéaux, puisant dans le modèle (la forme) de la Commune de Paris, qu’elle décrit comme une « intervention pragmatique dans l’ici et maintenant ».

Ainsi, de mai 68, plutôt que les événements parisiens elle préfère évoquer la « Commune de Nantes », où les paysans se joignirent aux étudiants et ouvriers grévistes pour se substituer aux services administratifs de la ville.

Kristin Cross théorise la forme-Commune en quatre temps : défense (d’un territoire), appropriation (tout le monde participe aux tâches ; production d’un « luxe communal » (3), composition (oeuvrer au désir commun plutôt qu’à résoudre les divergences), restitution (des terres à la collectivité, par un processus lent de prise de conscience). A ses yeux, les Soulèvements de la Terre pourraient être une version contemporaine et transrégionale de cette forme-Commune.

Bien que moins emballant que le thème de l’imaginaire traité précédemment par Kristin Ross, cet essai militant, étayé par de nombreuses références, alimentera bénéfiquement les réflexions sur l’héritage de la Commune.

PHILIPPE MANGION

(1) L’imaginaire de la Commune (la Fabrique, 2015) ; Rimbaud, la Commune de Paris, et l’invention de l’histoire spatiale (les Prairies ordinaires, 2013)

(2) La communauté agricole de Sanrikuza (Japon) s’opposa à la construction d’un aéroport.

(3) Expression des statuts de la Fédération des artistes de la Commune de Paris qui ne cesse d’interroger les auteurs

 

 

« COMBATTRE AVEC CES VAINCUS… »

Robert Charvin, Ils ont tué Rossel (1871), Éd. Delga, 2021.

Robert Charvin, Ils ont tué Rossel (1871), Éd. Delga, 2021.

Le livre de Robert Charvin, Ils ont tué Rossel ! (1871) publié aux éditions Delga, s’appuie sur l’assassinat de Louis Rossel, fusillé par les versaillais en novembre 1871, pour dénoncer les atermoiements et les compromis dans le combat politique, les alliances avec la bourgeoisie, les républicains modérés. Pour lui, le lien est évident entre la Grande révolution, celle de 1789, 1793, celle de Robespierre, de Saint-Just mais aussi celles de 1830, 1848 pour aboutir à la Commune de Paris qu’il considère comme l’aurore de nouvelles révolutions, celle de 1917 et d’autres combats actuels. C’est un texte militant qui accroche le lecteur. Même surpris par ses affirmations, vous goûterez la force de conviction de l’auteur. Certaines allusions, références à la répression des journées de juin 1848, au populisme de Louis-Napoléon démontrent hier comme aujourd’hui les tromperies dont le peuple est victime. La guerre contre les révolutions sociales relève-t-elle de la continuité, des redites ou de la farce ?

Qui est Rossel ? Un petit-bourgeois menant des études militaires, très critique à l’égard de l’institution, qui s’engage du côté du monde ouvrier en plein développement dès la seconde moitié du 19e siècle. Davantage que son engagement, ce sont ses origines et ses fonctions qui le feront haïr par la bourgeoisie, il a trahi sa classe sociale ! Il ne pouvait que mourir ! Ses écrits dénoncent l’immoralité de la bourgeoisie, l’incompétence des militaires qui conduit à Sedan, il rejoint la Commune de Paris alliant patriotisme et révolution, Délégué à la Guerre, très critique à l’égard de l’inorganisation, de la bureaucratie. Les extraits de ses Papiers posthumes sélectionnés par Robert Charvin démontrent la capacité d’analyse et la lucidité du personnage qui restera fidèle à la Commune :

« Eh bien ! Je dois dire que j’aime mieux, malgré toutes les hontes de la Commune, j’aime mieux combattre avec ces vaincus qu’avec ces vainqueurs. »

FRANCIS PIAN

 

 

AU SERVICE DE LA RÉPUBLIQUE

Pierre-Henri Zaidman, Le Comité central de la garde nationale (1870-1871), Éd. Pages d’Histoire, 2023.

Pierre-Henri Zaidman, Le Comité central de la garde nationale (1870-1871), Éd. Pages d’Histoire, 2023.

L’esprit de 1789 transparaît dans ce livre consacré au Comité central de la Garde nationale. De la grande Révolution jusqu’à la Commune de Paris, la Garde nationale assure la circulation des idées républicaines même pendant les périodes de royauté. Elle constitue un lieu de sociabilité potentiellement politique. Pierre-Henri Zaidman dans son livre publié aux éditions Librairie Pages d’Histoire, nous présente son organisation avec ses assemblées de délégués élus. En préambule de la Commune de Paris, les réunions se multiplient avec des débats politiques. Nous retrouvons ces réflexions sur les statuts d’une fédération parisienne, le rôle du Comité central (CC), ses engagements démocratiques forts. Grâce au travail de l’auteur, nous sommes dans tous les quartiers, les compagnies, les 145 batail-lons. Par les témoignages, nous suivons les débats au jour le jour. Evidemment la célèbre affiche du 25 mars (page ci-contre) reste d’une actualité pressante de nos jours.

Les échanges avec Versailles, les négociations avec les maires d’arrondissements parisiens, le peu d’expérience des membres de la Commune et le peu de visibilité inquiètent le Comité central. Les rivalités entre les individus, les organisations sont malheureusement renforcées par la confusion des pouvoirs et comités locaux divers. Pour nous qui connaissons l’issue, l’inévitable se prépare. Les oppositions entre le Comité central et la commission militaire de la Commune se prolongent jusqu’à début mai, sans oublier les nominations de Cluseret et de Rossel.

Le 26 mai, le Comité dispose enfin du pouvoir militaire,

« mais il ne pouvait l’exercer, il était trop tard ».

Dans ce précieux ouvrage, le lecteur pourra retrouver les noms des membres du CC et leurs arrondissements de rattachement. Et, en seconde partie de l’ouvrage, des biographies synthétiques de ces membres contiennent des références d’archives pour celles et ceux qui souhaitent en approfondir l’étude.

PHILIPPE MANGION

 

 

PARIS EN ARMES

Frédéric Pineau, Les militaires de la Commune de Paris- 1871, Éd. Archives et culture, 2022.

Frédéric Pineau, Les militaires de la Commune de Paris- 1871, Éd. Archives et culture, 2022.

En effet, peu d’études existent sur l’appareil militaire de la Commune de Paris. Comme le souligne Frédéric Pineau dans son opuscule Les militaires de la Commune de Paris - 1871 publié chez Archives et culture,

« les unités qui constituaient cette armée d’insurgés ont disparu derrière les barricades de la Semaine sanglante avec leur histoire, leurs pratiques et leurs souvenirs, laissant peu de traces. »

Il aborde dans un premier temps l’organisation de la garde nationale, insistant sur la fusion du 20 mars 1871 entre le Comité de la Fédération républicaine de la garde nationale et le Comité central de la garde nationale. Nous retrouvons les statuts.

L’approche descriptive est très précise. Les effectifs, le montant de la solde, la composition des différentes légions, régiments… fin mars 1871, il compte 265 bataillons organisés en 20 légions, certains sont même de la première couronne de Paris. Tout cela coûte cher, la solde, l’habillement, les munitions. Vous retrouverez toutes ces données. Relevons aussi la riche iconographie, tableaux, reproductions d’affiche, photos d’uniforme.

Frédéric Pineau prend soin de présenter la totalité des troupes. Certaines ont des noms évocateurs, Les Vengeurs de Flourens, les Corps francs, les Turcos de la Commune accueillant Victorine Brocher. Certains sont composés d’étrangers, des Belges, des Italiens garibaldiens, des Polonais.

Vous découvrirez aussi la cavalerie avec le 1er régiment de chasseurs à cheval de la Commune, l’artillerie, les équipes de fuséens, les trains blindés, le régiment des barricades, la marine avec 14 canonnières. Évidemment, la place des femmes comme ambulancières, cantinières mais aussi au feu.

À noter que reprenant les propos de Louis Rossel, l’auteur est quelque peu critique à l’égard de l’indiscipline et des graves défauts dans l’organisation de la défense de Paris.

Francis Pian

 

 

LA BROCHURE « COMMUNARDS DES CÔTES-DU-NORD » A CONNU SON PETIT SUCCÈS

Les communards originaires des Côtes du Nord, Prix : 19.00 Euros + 6.00 Euros de frais de port. Nous contacter via notre site : commune-1871-tregor.over-blog.com

Les communards originaires des Côtes du Nord, Prix : 19.00 Euros + 6.00 Euros de frais de port. Nous contacter via notre site : commune-1871-tregor.over-blog.com

Cette brochure, grâce aux travaux de l'historien Jean-Claude Farcy, recense les 215 communardes et communards natifs du département des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) qui ont été arrêtés par les troupes versaillaises.

Elle donne, en particulier, la liste des 26 déportés en Nouvelle-Calédonie et de celles et ceux qui ont fait l'objet d'un non-lieu faute de preuve.

Elle rappelle la chronologie des événements et l'actualité de l’œuvre de la Commune.

Elle présente également quelques portraits représentatifs de la diversité des combattants pour une république sociale et populaire.

La première version étant épuisée, une nouvelle version augmentée sera disponible au cours du premier trimestre 2024.

DENIS ORJOL

 

 

LES DÉLITS D’ENCRE DES ÉDITIONS DU PETIT PAVÉ.

Les délits d’encre, Éditions du Petit Pavé, BP 17 Brissac-Quincé, St-Jean des Mauvrets, 49320 Les Garennes sur Loire. Contacts :  Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. / 02 41 54 60 21 www.petitpave.fr

Les délits d’encre, Éditions du Petit Pavé, BP 17 Brissac-Quincé, St-Jean des Mauvrets, 49320 Les Garennes sur Loire.  

Nous avons l’occasion de côtoyer lors de fête ou de salons d’histoire ou du livre, Noëlle Joffard et Gérard Charbonnier, chevilles ouvrières de ces éditions angevines.

G. Charbonnier nous confie :

« Si on se réfère aux maisons d’édition des 19e et 20e siècles, avant la marchandisation de la culture, ces maisons avaient toutes leur revue (comme la Nouvelle revue française – NRF - pour Gallimard). Il nous a donc semblé normal d’avoir une revue.

Pendant quelques années, « Le Petit Pavé » a d’abord édité la revue Le Grognard, créée à partir du constat de la disparition du sens critique au profit d’une pensée dominante, mais son équipe rédactionnelle s’est usée. Nous avons donc repris, dans le même esprit, avec cette revue nouvelle, les Délits d’encre en 2009, cette particularité d’avoir 3 parties pour aborder le même sujet.

- Gavroche pour les aspects critiques du sujet.

- Gribouille pour l’aspect littéraire.

- Grognard avec des archives sur le sujet.

Délits d’encre n’a pas de comité de rédaction, car ouvert aux textes de tous nos compagnons de route. Ce qui est sûr, c’est que cela conduit à une grande diversité de sujets.

Pour les numéros liés à la Commune, il y a eu « Les écrivains, la Commune de Paris et autres mouvements populaires » (1). Le numéro du printemps 2023 “ Le paradis calédonien, les Kanak et le bagne” est consacré à la Commune (2). Mais dans beaucoup de numéros, nous retrouvons des extraits de textes de Vallès, Pottier, Jean-Baptiste Clément…

En 2024, nous devrions rééditer Les amants de la Commune de Marc Viellard. Pas directement lié à la Commune (quoi que), nous publierons Le Paris colonial. »

Dans ce numéro 37, sous la plume de Marinette Delanné (3), Gavroche présente les Kanak (4) et le bagne. L’article prend date avec la situation des Kanak actuellement, et la lutte pour l’indépendance.

Grognard fait la part belle à l’iconographie.

Gribouille présente deux contes kanak de Louise Michel.

Il est fait écho à Du caillou en héritage, roman de Martine Lenoir et Michel Bianqui (Éd. du Petit Pavé).

MICHEL PINGLAUT

(1) n°27, été 2020. Gavroche : extraits de textes d’écrivains contre ; Gribouille : écrivains pour, d’Eugène Chatelain à J.B. Clément en passant par Gaillard fils ; Grognard élargit le thème par la conférence d’Elsa Triolet de mars 1948.

(2) n°37.

(3) Marinette Delanné : Au bagne de Nouvelle-Calédonie, sur les traces de Louise Michel, Éd. du Petit Pavé

(4) Une page est consacrée à l’orthographe du mot kanak.

 

 

À PROPOS DE LA NOUVELLE HISTOIRE DE LA COMMUNE DE PARIS DE JEAN-LOUIS ROBERT

Nouvelle histoire de la Commune de Paris, 1871 - Jean-Louis Robert, Paru le 16 juin 2023, coffret de 3 volumes,  1582 pages,  Collection « Gauches d’ici et d’ailleurs », Arbre bleu édition.

Nouvelle histoire de la Commune de Paris, 1871 - Jean-Louis Robert, Paru le 16 juin 2023, coffret de 3 volumes,  1582 pages,  Collection « Gauches d’ici et d’ailleurs », Arbre bleu édition.

 

L’esprit de l’ouvrage de Jean-Louis Robert est déterminant pour en saisir le sens. L’étude par le bas, à l’opposé des généralisations historiques, participe à exposer les diversités de situations donnant compréhension aux événements ou attitudes, indispensable dans le cadre d’une Révolution : l’importance donnée aux ressentis individuels des actrices et acteurs, quel que soit leur rang, y contribue. Un élément central rarement pris en compte est mis en avant car influençant le temps révolutionnaire : l’extrême misère régnant durant le printemps parisien.

Cette approche originale conduit l’auteur à apporter des nuances, positives ou négatives, sur des certitudes historiques établies mais aussi à aborder des sujets peu approfondis. De ces nouveaux regards, relevons la nature du gouvernement de la Commune, plus populaire qu’ouvrier ; la dynamique des innombrables bases populaires avec le rôle particulier des structures locales de la Garde nationale pour alimenter une démocratie mélangeant le direct au représentatif ; une émancipation des femmes commune à celle de la population plus qu’à des droits spécifiques ; le salariat des élus rapporté au contexte ; une morale austère où l’ordre est très ancré ; l’héritage souvent marginalisé des idées d’avant la Commune dont celles de 1848.

Cette nouvelle histoire de la Commune pose aussi des questions essentielles sur de grands sujets laissant le débat se poursuivre, tout en prenant la mesure de l’impact de la guerre civile. À l’appui des comportements des communards et communardes décryptés et aux faits eux-mêmes avancés, des éléments de réponses peuvent ressortir : ainsi de la forme de légalité portée par la Commune : révolutionnaire ? Ou finalement classique reprenant la légalité normée du temps avec des poussées radicales ? Ainsi de la réalité de la destruction de l’appareil d’État et de sa transformation à nature démocratique et révolutionnaire : les décisions prises de plébisciter la Garde nationale, de repenser la police et la justice, voire de considérer autrement l’impôt et la diplomatie dénotent cette idée de détruire pour recréer : les constats démontrent cependant les difficultés pour bouger les mentalités, la reproduction de l’ancien et une radicalité en recherche de cohérence.

Ce passionnant ouvrage d‘histoire complète, permettant des regards critiques, fait référence dans les connaissances de l’histoire de la Commune : chercheuses et chercheurs doivent s’en emparer pour réajuster des écrits ou pour développer des nouveautés dans l’intérêt de la justesse historique.

JEAN ANNEQUIN

 

 

LA SABRETACHE, L’ARMÉE DE LA COMMUNE (PARTIE I), HORS-SÉRIE, 2023

LA SABRETACHE, L’armée de la Commune (PARTIE I), HORS-SÉRIE, 2023

Cette étude inédite, riche d’informations, est l’œuvre de La Sabretache, une société d’études d’histoire militaire de la région parisienne. Seulement, il s’agit d’un exemplaire unique, consultable à la bibliothèque des Ami(e)s, la version numérique de l’ouvrage étant réservée aux seuls membres de la société savante de Bry-sur-Marne. Ce premier volume est divisé en trois parties, la guerre franco-prussienne, « la mise en place de la Commune » et le siège de Paris par les versaillais. Naturellement, le deuxième volume sur les quatre en préparation sera consacré à l’armée de la Commune.

Manifestement insuffisamment relu, l’ouvrage est par contre très bien illustré par une iconographie souvent peu connue.

Principalement axé sur les opérations militaires, il revient autant sur les ambiguïtés de Thiers que sur les faiblesses de l’organisation communarde. Favorable à la Commune, l’auteur Daniel Peyrot, relate notamment avec précision l’épisode de la « sortie manquée » du 3 avril ainsi que celui de la défense du fort d’Issy face à la puissance de feu de l’armée versaillaise. Pour finir, nous tenons à remercier tout particulièrement J.-Ph. Ganascia, président de La Sabretache, d’avoir transmis à la bibliothèque cet exemplaire unique. Il intéressera, à n’en point douter, nos lecteurs et adhérents.

ÉRIC LEBOUTEILLER

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