La région de Saint-Étienne est une terre de luttes ouvrières et, depuis 1865, de grandes grèves s’y succèdent. En 1869, celle des mineurs de la Ricamarie eut un retentissement national. L’infanterie tira sur la foule, assassinant une quinzaine de civils, dont un enfant de trois ans. L’épisode, qui inspirera Zola pour Germinal, fut un événement fondateur du mouve­ment ouvrier.

Ville de Saint-Étienne - vue aérienne
Ville de Saint-Étienne - vue aérienne

Depuis le Quatre-Septembre, la ville est dirigée par des républicains modérés, à l’image du pouvoir cen­tral. Les ouvriers, qui se sont enrôlés en nombre pour défendre la Patrie en danger, n’ont plus confiance en cette bourgeoisie qui, de son côté, a boudé l’emprunt patriotique.

Dès le 31 octobre, les socialistes réclament un pou­voir municipal et, à partir du 29 décembre, un journal, La Commune, porte leur voix. Ils tiennent le Comité central républicain, tandis que les modérés se replient dans l’Alliance républicaine.

Le 23 mars, cinq jours après le soulèvement parisien et dans le sillage de la proclamation de la Commune de Lyon, une délégation demande au Conseil munici­pal de se dissoudre. Celui-ci s’y résout, mais décide de rester en fonction jusqu’à l’organisation de nouvelles élections.

Bien sûr, c’est insuffisant. Le 24 mars, vers 22 heures, la foule envahit l’hôtel de ville, des officiers loyalistes sont faits prisonniers. À 2 heures du matin, la Commune est proclamée et le drapeau rouge est hissé. Au petit matin du 25 mars, le bâtiment est éva­cué sans effusion de sang.

C’était sans compter sur le nouveau préfet, Henri de l’Espée, décidé à employer la manière forte. Il ordonne à la Garde nationale de protéger l’hôtel de ville, et fait placarder une annonce humiliante où il se vante de « la complète retraite des séditieux » à « la seule appa­rition de quelques bataillons. » Il envenime ainsi une situation qui avait toutes les chances de tourner à son avantage. En effet, les insurgés semblaient refroidis par l’échec, le jour-même, de la Commune de Lyon. Mais cette provocation les pousse à la contre-offen­sive. À partir de là, la situation est confuse. La Garde nationale bascule du côté des communards et, à midi et demi, de nouveaux délégués se présentent à l’hôtel de ville pour demander un referendum, pour ou contre la Commune. Le conseil municipal accepte, mais le préfet de l’Espée refuse. À 16 heures 30, il est fait pri­sonnier. Les esprits s’échauffent, des coups de fusils claquent. L’Espée est tué. Les incidents font d’autres victimes, jusqu’à quatre selon les sources.

Privée du soutien populaire des Stéphanois, qui n’assument pas cette violence, l’action de la Commune de Saint-Étienne s’éteint. Le 27 mars des troupes arri­vent de Lyon. Le 28 mars, les insurgés se rendent sans combattre. Le drapeau rouge ne flotte plus sur l’hôtel de ville.

PHILIPPE MANGION

 

 

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