Un jeune révolutionnaire à la barbe et aux cheveux châtains, en chemise rouge de garibaldien, voici une représentation d’Édouard Vaillant à laquelle nous sommes moins habitués que celles offertes par les photographies de la fin de sa vie, au Père-Lachaise lors de la montée au mur des Fédérés ou dans telle ou telle occasion de sa vie parlementaire.
Et pourtant c’est bien ainsi que le peintre Ernest-Victor Hareux a peint l’ancien membre de la Commune, lui dédicaçant son tableau par une inscription sans ambiguïté : « à mon cher ami Vaillant 1874 » située en haut et à droite du tableau.
Ernest-Victor Hareux (1847-1909) est un peintre notable, connu surtout pour ses paysages de montagne, notamment présent dans les collections des musées de Grenoble, Strasbourg et Castres. Une rue de la préfecture du département de l’Isère porte son nom.
Il fut promu chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur en octobre 1906, Aristide Briand étant ministre de l’Instruction publique et son confrère Dujardin-Beaumetz sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts au sein du gouvernement Sarrien.
Son engagement civique ne semble pas autrement connu que par ce tableau et la participation à l’illustration du livre de Rochefort, Retour de la Nouvelle-Calédonie. De Nouméa en Europe (1877).
En 1874, Vaillant a 34 ans et vit en exil à Londres. Il anime la Commune révolutionnaire qui revendique tout le programme et l’action révolutionnaire du mouvement fédéraliste parisien, dans la fidélité à Blanqui, toujours détenu en France, indépendant, mais en relations toujours suivies avec les animateurs de la défunte Association Internationale des Travailleurs, et notamment la famille Marx et Friedrich Engels. Nous ignorons quel fut le destin du tableau dans les décennies suivantes.
À qui et à quelle date précisément ? Une plaque en bas du tableau indique qu’il fut « offert par Joseph Paul-Boncour à l’occasion du 40e anniversaire de la mort d’Édouard Vaillant », ce qui donne la date de 1955, mais une étiquette au verso de la toile signale de son côté « tableau offert au Secrétaire Général du Parti par Paul-Boncour le 3 février 1950 ».
Les deux informations sont conciliables. On peut supposer que le tableau a d’abord été offert en 1950 au Secrétaire Général, Guy Mollet en l’occurrence, puis remis cinq ans plus tard aux socialistes de Vierzon en maintenant la référence légitime au donateur initial. Vierzon a alors un maire socialiste SFIO, Maurice Caron (1896-1972), ancien résistant et déporté, qui détient ce mandat de 1947 à 1959.
Maurice Caron s’appuie sur une coalition comprenant le MRP et le RPF pour faire pièce au PCF, puissant localement et qui reprend d’ailleurs la municipalité en 1959 avec le docteur Léo Mérigot (1902-1982), puis à partir de 1977 Fernand Micouraud (1924-2012). Les archives du Musée de l’histoire vivante indiquent que le PCF espérait d’ailleurs récupérer le tableau pour l’exposer à Montreuil-sous-Bois.
En 1972, Albert Fournier auteur d’un article sur Vaillant dans le 500e numéro de la revue Europe consacré à la Commune de Paris, rencontre Jacques Duclos, président de l’association du Musée de l’histoire vivante lors d’une vente du livre marxiste et lui parle de ce portrait. Une correspondance conservée au musée (trois lettres manuscrites) nous apprend qu’Albert Fournier a tenté de convaincre en 1970 le propriétaire de la peinture d’en faire don au musée à Montreuil (lettre de Caron à Fournier du 9 septembre 1970 et lettre du 6 mars 1972 d’Albert Fournier à Jacques Duclos, archives MHV).
Dans sa lettre du 11 mars 1972, Albert Fournier insiste auprès de Jacques Duclos pour que le tableau soit récupéré par la mairie de Vierzon « en attendant, le cas échéant, d’entrer par la suite au musée de l’histoire ». Il n’y eut pas de suite et on peut supposer que l’ancien maire socialiste devenu patron du Berry républicain prit les dispositions nécessaires pour que le tableau échut à la fédération socialiste du Cher qui le possède toujours actuellement.
GILLES CANDAR (Société d’Études Jaurésiennes)
ÉRIC LAFON (Musée de l’Histoire Vivante)