Le fort de Vincennes (Val-de-Marne) fut l’un des derniers monuments à arborer le drapeau de la Commune. Le 29 mai 1871, alors que les combats ont cessé dans Paris, les officiers de la Garde nationale qui occupent la garnison se rendent. La nuit suivante, neuf d’entre eux sont fusillés dans le fossé sud du château.
Au lendemain de la manifestation du 15 mai 1848, Armand Barbès, François Raspail et Auguste Blanqui sont enfermés au château de Vincennes. Barbès hérite de l’ancienne cellule de Mirabeau, d’où il écrit à George Sand.
« Blanqui rédige un Appel aux Parisiens en vue des élections, daté du « donjon de Vincennes, le 15 septembre 1848 » [1]. Il souffre d’un isolement qui émeut l’opinion publique et provoque une enquête sur la santé des prisonniers. »
Après juin, les détenus passent l’automne et l’hiver dans le donjon à attendre la fin de l’insurrection, avant d’être transférés à Bourges, le 14 mars 1849, pour y être jugés [1]. En 1871, plus de 400 communards furent emprisonnés à Vincennes. Sans les graffitis qu’ils ont laissés sur les murs de leurs cellules, leurs noms ne nous seraient peut-être jamais parvenus. « Dages 1871, Augustine Joséphine », a gravé une prisonnière. « I. Salmon 1871 », a tracé un autre. Selon les recherches effectuées par Christian Colas [2] aux Archives nationales et dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, de Jean Maitron, il pourrait s’agir d’Isidore Salmon, maçon, qui participa à la Commune dans les rangs du 132e bataillon de la Garde nationale. Condamné à la déportation en 1872, il fut libéré en 1878.
Pendant le Siège de Paris, le château de Vincennes servit de centre d’entraînement pour les 5 000 recrues mobilisées par le gouvernement de la Défense nationale, entre juillet 1870 et janvier 1871, pour contenir l’avancée des Prussiens.
Le 137e régiment de ligne, cantonné au fort de Vincennes, participa à la contre-offensive du 30 novembre, au cours de laquelle les troupes françaises repassèrent la Marne à Joinville, Nogent et Bry. L’observatoire, installé au sommet du donjon, servit notamment pendant la bataille de Champigny, du 28 novembre au 3 décembre.
LE DRAPEAU ROUGE FLOTTE SUR LE DONJON
L’une des conséquences de la Commune fut l’occupation du château de Vincennes par les gardes nationaux le 21 mars 1871. Les 2 400 hommes de la garnison, désobéissant aux ordres du général Ribourt, ouvrirent les portes et fraternisèrent avec les communards [3]p. Les 130e, 180e et 204e régiments de la Garde nationale, commandés par le général Lullier, s’emparèrent alors du château.
Les gardes nationaux rentrèrent à Paris, en laissant une centaine d’hommes sur place. Pendant la Commune, le délégué à la Guerre, Gustave Cluseret, puis son successeur Louis Rossel, inspectèrent le fort de Vincennes. Le 28 mai, alors que les dernières barricades sont tombées à Belleville, le drapeau rouge flotte toujours sur le donjon de Vincennes. Le 29, les Prussiens évacuent la ville et sont aussitôt remplacés par les troupes versaillaises. Le général Vinoy enjoint la garnison de capituler sous peine de subir « toutes les rigueurs des lois de la guerre » [3]. À 14 h 30, les dix-neuf officiers et les 344 hommes de la Garde nationale, commandés par le chef de légion Faltot, ancien compagnon de Garibaldi, se rendent.
Ils sont immédiatement conduits dans des casemates, pour y être interrogés par des commissaires de police, avant d’être conduits à la prison de Mazas, à Paris.
« TÂTEZ MON POULS, VOYEZ SI J’AI PEUR ! »
Dans la nuit du 29 au 30 mai, un tribunal militaire se réunit au pavillon de la Reine. Il condamne à mort neuf responsables ou simples membres de la Commune : le colonel Delorme, le capitaine Okolowitch, le prince Bagration, le capitaine Bornier, trois commissaires de la Commune, un sergent du 18e bataillon de chasseurs à pied et un dernier individu resté anonyme. [4] Un dixième condamné, le général La Cecilia, réussit à s’échapper avant de se réfugier à Londres. Les neuf hommes sont fusillés le 30 mai, à 3 h 30 du matin, dans le fossé sud du château. Leurs cadavres sont enterrés sur place. Soixante-quinze ans plus tard, le 30 mai 1946, une plaque commémorative, portant le nom du colonel Delorme, fut apposée sur le mur devant lequel les Fédérés sont tombés. Malheureusement, faute d’entretien, l’inscription est devenue illisible. « Tâtez mon pouls, voyez si j’ai peur ! », aurait déclaré, avant de mourir, le colonel Delorme à l’officier versaillais qui commandait le peloton d’exécution, selon Lissagaray, dans son Histoire de la Commune.
JOHN SUTTON
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Notes
[1] Nicolas Texier in Le Château de Vincennes, une histoire militaire, éditions du Service historique de la Défense (2008).
[2] Christian Colas, Paris graffiti, les marques secrètes de l’histoire, éditions Parigramme (2010).
[3] Château de Vincennes, une histoire militaire, déjà cité.
[4] Ibid.