Notre ami Hervé Chuberre*, devant un public attentif, commence ainsi sa conférence : « Si vous demandez à un étudiant en mathématiques : qui est Kowalevski ? Il vous répondra vraisemblablement qu’il s’agit d’un mathématicien ayant démontré, avec le célèbre mathématicien français Augustin Cauchy, le “théorème de Cauchy-Kowalevski” (1875) qui fait partie aujourd’hui de la boîte à outils de base de tout mathématicien. Mais il lui sera difficile de vous en apprendre plus sur ce Kowalevski (…)
En réalité, il s’agit d’une immense figure russe des mathématiques du XIXe siècle, féminine de surcroît : Sofia Kovalevskaïa (1850-1891). Elle est la première femme au monde à être docteure en mathématiques ! Son doctorat est délivré in absentia par l’Université de Göttingen, car Sofia n’y a jamais étudié puisque les universités allemandes étaient fermées aux femmes ! Elle a en réalité écrit sa thèse en 1874 à Berlin sous la direction de Karl Weierstrass, une des figures emblématiques des mathématiques du XIXe siècle. »
Puis après avoir évoqué la jeunesse et les années de formation de la jeune étudiante en mathématiques, Hervé Chuberre parle de son engagement dans la Commune de Paris avec sa sœur Anna et Victor Jaclard, le mari d’Anna :
« Apprenant le siège de Paris, à partir du 17 septembre 1870, lors de la guerre franco-allemande, Sofia et Vladimir Onoufrievitch Kowalevski son mari décident de s’y rendre. À Strasbourg, le 29 janvier 1871, un officier d’état-major prussien leur délivre un laissez-passer leur permettant, avec le passeport russe de Vladimir, de se rendre à Versailles. Ils arrivent à Versailles après le 28 janvier (date de l’armistice) et parviennent à entrer dans Paris avant le 18 février, en traversant les lignes prussiennes clandestinement faute de laissez-passer.
C’est entre le 5 avril et le 12 mai que Sofia est brancardière avec sa sœur Anna à l’ambulance de l’Élysée-Montmartre, organisée par le Comité de vigilance, celui d’Anna. Anna Jaclard est également membre du Club de la Boule noire, un club exclusivement féminin qui se réunit réguliè- rement et où sont discutés des problèmes de la vie quotidienne comme la prostitution, l’organisation du travail ou encore l’éducation. Anna coanime également le journal politique La Sociale.
Après l’écrasement dans le sang de la Commune lors de la Semaine sanglante (21-28 mai 1871), le couple repart à Berlin et Sofia retourne travailler avec Weierstrass. Mais Victor Jaclard est capturé en uniforme (il est colonel et commande la 17e Légion fédérée) par les troupes versaillaises début juin et emprisonné à la prison des Chantiers à Versailles. Anna appelle alors Sofia à son secours. Sofia et Vladimir reviennent à Paris le 10 juin.
En octobre 1871 le communard Victor Jaclard parvient à s’échapper avec l’aide de Sofia et de son mari Vladimir. Il rejoint la Suisse où il retrouve son épouse Anna, grâce au passeport du mari de Sofia... »
Son engagement politique peut se résumer dans cette phrase :
« Un État démocratique, s’il n’est pas vraiment socialiste, est la plus grande horreur que l’on puisse rencontrer ! »
Pour en savoir plus sur Sofia, il y a bien sûr le dictionnaire du mouvement ouvrier, le Maitron, mais vous pouvez aussi lire les livres qu’elle a écrits et sa biographie par Michèle Audin parue en 2008, Souvenirs sur Sofia Kovalevskaya, aux éditions Calvage & Mounet.
HERVÉ CHUBERRE DENIS ORJOL COMITÉ TRÉGOR-ARGOAT
* Hervé Chuberre est professeur à l’ENSSAT Lannion.