Le 19 juillet 1870, la France de Napoléon III déclare la guerre à la Prusse. Rapidement le conflit tourne à la catastrophe pour la France. Deux jours après la défaite de Sedan et l’abdication de Napoléon III, Paris s'insurge et la Troisième République est proclamée avec la formation d’un gouvernement de Défense nationale qui décide de continuer la guerre. La place de Paris est renforcée avec des unités provenant de la France entière.
LA CRÉATION DE LA MARINE DE LA COMMUNE DE PARIS
Une flottille formée de bâtiments démontables était destinée à opérer sur le Rhin. Suite à la rapide détérioration de la situation militaire, l’envoi en Alsace du matériel est suspendu. Le 8 août, le matériel est expédié à Paris pour opérer sur la Seine. Cette flottille participe à la défense de Paris pendant tout le siège. Elle comprend le yacht impérial Puebla non armé, cinq batteries flottantes cuirassées, neuf canonnières et six chaloupes à vapeur armées.
Lors de l’armistice du 28 janvier 1871, la flottille est désarmée. Les bâtiments ont le personnel strictement nécessaire à l’entretien et à la garde du matériel. Les navires restent à Paris, pour ne pas les laisser tomber, en les envoyant dans les ports, dans les mains de l’ennemi qui encercle Paris de toutes parts. Lors de l’évacuation de Paris par l’armée le 18 mars, les bâtiments restent sur place.
Le 28 mars, un poste de fédérés aperçoit les bâtiments. Le général Duval ordonne de s’en emparer et de les ramener à l’intérieur de Paris, afin de les soustraire aux versaillais. Les bâtiments prennent position au barrage de la Monnaie, en aval du Pont-Neuf. Le général Jaroslaw Dombrowski, commandant la 1re armée de la Commune, décide de les réarmer.
Le 3 avril, Duval nomme Auguste Durassier comme commandant supérieur de la flottille de la Commune. Engagé volontaire dans les équipages de la flotte, il avait été nommé officier auxiliaire pendant la campagne de Crimée, puis était devenu capitaine au long cours. Le 5 avril, Durassier lance une proclamation pour faciliter le recrutement de marins pour compléter les équipages de la flottille, et plus de cent marins répondent à l’appel. Comme la grande majorité des marins avait rejoint les troupes versaillaises, l’armement de la flottille est réalisé avec des volontaires, dont en particulier des canotiers, des mariniers, et des déchargeurs.
La Commune nomme, le 6 avril, Raymond-Émile Latappy, ancien capitaine au long cours, comme délégué au ministère de la Marine. Latappy avait fait partie de la Garde nationale pendant le premier siège de Paris et était commandant du 76e bataillon. Il nomme Peyrusset, ancien capitaine au long cours, chef d’état-major du délégué à la marine.
À la mort du général Duval, fusillé le 4 avril par les versaillais, suite au combat de Châtillon, Latappy rattache la flottille au ministère de la Marine. Le comité central de la Garde nationale maintient Durassier dans ses fonctions. Durassier nomme Henri Cognet, chef d’état-major et aide de camp. Cognet avait été capitaine de la 2e compagnie de canonniers auxiliaires de la Garde nationale pendant le premier siège. Charles Le Duc est nommé commissaire de la flottille.
Le 8 avril, la flottille est déclarée opérationnelle avec un effectif de cent vingt marins. Seule une partie des bâtiments de la flottille est prête, avec la batterie n°5 rebaptisée La Commune et cinq canonnières : L’Estoc, La Claymore, L’Escopette, La Liberté et Le Perrier ; ainsi que le yacht Puebla. Les bâtiments s'embossent en avant du pont des Invalides.
L’ENGAGEMENT DE LA FLOTTILLE DE LA COMMUNE
Le 13 avril, la flottille appareille pour le Point-du-Jour. Installés sous les arches du viaduc, les bâtiments tirent sur Breteuil et Brimborion. La Liberté s’aventure jusqu’au pont de Billancourt et bombarde les troupes versaillaises du général Faron, installées à Meudon et Clamart.
Le 18 avril 1871, Hippolyte Junot est nommé au commandement de la canonnière La Claymore. Le 19 avril, les ateliers Cail lancent une nouvelle canonnière nommée La Voltigeuse pour renforcer la flottille, sous le commandement du capitaine Renaut. La flottille détache aussi régulièrement une canonnière pour remonter la Seine jusque près de Choisy, escortée sur la berge par un faible détachement.
Le 24 avril, Durassier est remplacé par Auguste Peyrusset. Cognet et Charles Le Duc sont aussi démis de leurs fonctions, ayant été mis en accusation pour vol de solde. Durassier devient colonel commandant les forces d’Asnières. Le 5 mai, il sera nommé commandant du fort de Vanves et mourra le 29 mai, des suites d’une blessure au combat. Peyrusset tente d’améliorer le recrutement et, par voie de réquisition, la compagnie des bateaux-omnibus de Paris doit céder son personnel à la flottille, dont certains membres seront nommés capitaine comme Louis Kervizic, Claude Chenavas et Hippolyte Junot.
Les Fédérés s’étaient emparés du fort d’Issy les 19 et 20 mars. Dès le 11 avril, les troupes versaillaises prennent position à proximité de ce verrou de la défense de l’armée fédérée. Le fort est alors soumis à un bombardement incessant et, pour soulager ses défenseurs, les canonnières interviennent.
Le 25 avril, les canonnières et la batterie flottante, protégées par le viaduc du Point-du-Jour, tirent sur les positions versaillaises, de concert avec l’artillerie du fort d'Issy et de l’enceinte de Paris. Les batteries versaillaises de Sèvres, de Fleury et du Chalet ciblent les bâtiments, avariant plusieurs unités et blessant plusieurs matelots. À partir de ce jour, les bâtiments de la flottille ne dépassent plus le Point-du-Jour.
Le 28 avril, Latappy fait rentrer la flottille au quai de Billy. Accompagné de quelques membres de la Commune, il la passe en revue. Le 6 mai, pendant toute la journée, les batteries versaillaises bombardent le fort d’Issy. Les canonnières interviennent, mais, vers 15 heures, la batterie flottante La Commune reçoit un projectile qui l’endommage. Menaçant de sombrer, elle est remorquée par La Liberté et un autre bâtiment pour la mettre à l’abri. Les autres canonnières continuent leur feu tout l’après-midi. Le fort d’Issy sera évacué par les Fédérés le 8 mai.
Le 13 mai, une batterie installée dans l’île de Saint-Germain ouvre le feu sur la flottille. La canonnière L’Estoc, atteinte, coule à pic, l’équipage se sauvant à grand-peine. La flottille se réfugie alors au Pont-Royal. Le 14 mai, les bâtiments sont désarmés sur ordre de la Commune. Les marins brevetés et les servants sont appelés à rejoindre les fortifications, principalement sur les remparts de Passy.
À partir du 21 mai, dès le début de la Semaine sanglante, c'est-à-dire l’entrée des troupes versaillaises dans Paris, les canonnières sont sollicitées de nouveau. Le 22, elles remontent la Seine, et, embossées sous le Pont Royal, elles servent comme artillerie de position et soutiennent efficacement les troupes fédérées, en particulier lors des combats au Trocadéro. Mais l’avancée des troupes versaillaises est rapide, et, le 24 mai, les bâtiments sont capturés, signifiant la fin de la flottille de la Commune de Paris. Les marins, en particulier les canonniers, continueront à se battre sur les barricades, face aux troupes versaillaises, jusqu’au 28 mai.
RÉMY SCHÉRER
Sources :
Maxime Du Camp, « Le ministère de la Marine pendant la Commune », Revue des Deux Mondes, 3e période, tome 26, 1878.
Prosper-Olivier Lissagaray, Histoire de La Commune de 1871, Librairie du Travail, Paris, 1929.
Armand Dayot, L’invasion, le Siège, la Commune, 1870-1871, Flammarion, sans date. Le Maitron. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social.