Dans le cadre du cent cinquantenaire de la Commune a été organisé l’hommage à une grande figure de la Commune de Marseille : Alphonse Esquiros. Le 12 mai, les libres penseurs nous ont invités à une célébration qu’ils ont remise en vigueur au pied de la stèle élevée par les Marseillais. C’est notre ami Jean Poncet qui a pris la parole pour notre association :

Alphonse Esquiros vers 1869, photo format cabinet série Portrait-Album. Bibliothèque nationale de France
Alphonse Esquiros vers 1869, photo format cabinet série Portrait-Album. Bibliothèque nationale de France

« Lorsqu’on évoque la Commune de Marseille, on songe d’abord, bien sûr, à Gaston Crémieux […]. Mais il n’était pas seul dans cette aventure, dont les prémices datent de plusieurs mois avant le 23 mars 1871. Alphonse Esquiros fut l’un de ses compagnons de lutte ; il fut de ceux qui, auprès de lui, consacrèrent leurs efforts à aider les classes populaires dans cette tentative de participation au pouvoir. S’il ne prit pas part directement au mouvement insurrectionnel armé, il en fut pourtant au moins une fois la cause, et son souvenir est associé à la Commune de Marseille au même titre que Gaston Crémieux, Clovis Hugues ou André Bastelica. […]

Pendant deux mois, au milieu de grandes difficultés, pratiquement sans force de police organisée, il géra le département avec le souci constant que le sang ne coule pas. Il réussit pourtant à prendre toute une série de mesures en faveur des pauvres et des ouvriers, au grand dam des notables marseillais et des partis conservateurs restés puissants dans la ville […]. Il prit la présidence de la Ligue du Midi. Celle-ci fut créée au départ pour la défense du territoire du Sud menacé par l’invasion prussienne mais elle reprit aussi une partie du pro- gramme social de l’Internationale exprimé pour la première fois par la première Commune insurrectionnelle de Lyon en septembre 1870 […]

Lorsqu’il dut prendre des mesures radicales contre les Jésuites de Marseille, les chassant du département, Léon Gambetta voulut le renvoyer. Et c’est pour le garder que les Marseillais indignés formèrent la première Commune de novembre 1870 […]. Pour les Marseillais, le nom d’Alphonse Esquiros resta attaché au mouvement communaliste. Oui, son nom en est devenu un des symboles, associé pendant des décennies à celui de Gaston Crémieux. Par exemple, en 1883, lorsque, pour la première fois, les Marseillais purent ouvertement fêter le 18 mars, c’est-à-dire l’anniversaire du début de la Commune insurrectionnelle de Paris, ils allèrent en grande pompe honorer deux tombes : celle de Gaston Crémieux et celle d’Alphonse Esquiros. Et ils renouvelèrent ce double hommage à de multiples occasions durant les décennies suivantes…

Les traumatismes des deux guerres mondiales et leurs conséquences ainsi que les silences de l’Histoire officielle ont estompé, parfois même escamoté, cette partie de l’histoire populaire, particulièrement dans notre ville. La Commune de Marseille a été un des plus longs et des plus importants mouvements communalistes de province. Le Comité départemental des Amies et Amis de la Commune de Paris-1871 a à cœur de faire revivre ces événements fondateurs. Il est heureux aujourd’hui de contribuer à mettre en lumière Alphonse Esquiros, une des plus généreuses per- sonnalités qui les symbolisent. »

 

L'avocat Gaston Crémieux photographié par Eugène Appert, peu de temps avant son exécution.  (PHOTO ARCHIVES LIBRE PENSÉE)
L'avocat Gaston Crémieux photographié par Eugène Appert, peu de temps avant son exécution. (PHOTO ARCHIVES LIBRE PENSÉE)

Le 29 mai 2021, ce sont 35 personnes qui ont suivi avec le plus grand intérêt une conférence donnée dans le cadre du 150e anniversaire de la Commune de Marseille (1870-1871), co-organisée par les Amies et Amis de la Commune de Paris-1871 et par la Fédération des Bouches-du-Rhône de la Libre Pensée.

Marjolaine Rauze, présidente du comité des Bouches-du-Rhône des Amies et Amis de la Commune de Paris 1871 (« et aussi de celle de Marseille 1870-1871 », a-t-elle ajouté), a ouvert cette rencontre en décrivant notre association :

« Créée en 1882 par les communards de retour d’exil, l’association des Amies et Amis de la Commune de Paris-1871 est la plus ancienne des organisations du mouvement ouvrier français. Notre comité des Bouches-du-Rhône fut fondé en juin 2004 par notre regretté Gilbert Bertolini et Christian Pellicani. »

Elle a continué :

« Les Amies et Amis de la Commune de Paris-1871 sont monté(e)s ce matin, avec des organisations ouvrières et démocratiques, au Mur des Fédérés. Ils ont construit sur leur site une éphéméride qui vous passionnera.

Quant à la Libre Pensée, vous pouvez voir dans cette salle l’exposition qu’elle consacre à la Commune. En ce cent cinquantenaire de moments qui ont marqué profondément notre pays, et plus généralement le monde, il faut redonner à Marseille la place que notre ville occupa dans ces événements.

Au même titre que Gaston Crémieux, pour lequel d’ailleurs nous œuvrons à ce qu’une stèle lui soit édifiée près de l’endroit où il fut fusillé, Alphonse Esquiros y eut un rôle majeur. »

Chantal Champet, vice-présidente de l’ALPMR13 (1), nous a relaté l’histoire de ce combattant de la liberté, qui voulait l’établissement d’une République enfin réellement sociale et démocratique, comme le prouve son action à Marseille en 1870, puis à Paris en 1871. Ayant participé aux révolutions de 1830 et 1848, ce qui lui valut un long exil, Alphonse Esquiros avait longuement réfléchi aux conditions nécessaires à une victoire. Il était hostile aux violences inutiles et sut éviter toute effusion de sang en septembre-octobre 1870, quand il fut nommé administrateur spécial des Bouches-du-Rhône.

Alphonse Esquiros consacra sa vie à la défense des sans-droits : ouvriers, handicapés, femmes, pauvres ; il prit en leur faveur de nombreuses mesures dont Marseille garda longtemps le souvenir. Libre penseur, il exigea des obsèques civiles, ce qui provoqua un scandale parmi les bonnes âmes de l’époque.

Cette conférence fut aussi l’occasion de découvrir la magnifique exposition réalisée par l’ALPMR13, décrivant la proclamation de la IIIe République et l’évolution vers la Commune. Grâce aux documents incrustés, nous avons revécu cette époque de grande effervescence, tout un pan de l’histoire sociale marseillaise. Retracer les luttes passées nourrit celles du présent.

La célébration de la Commune se poursuivra en novembre par un colloque qui aura lieu dans l’audi- torium de la mairie de secteur Marseille 1er-7e, à laquelle participera notre ami Jean-Louis Robert.

MICHEL KADOUCH

(1) Fédération départementale de la Libre Pensée des Bouches-du-Rhône.

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